Certains films méritent un contexte et celui là en fait définitivement partie. Sans horizon d'attente, si ce n'est celui d'un "très bon film" selon de nombreuses sources, je m'étais fait l'idée d'un The grand master version chinoise. Pas d'autre HHH à mon actif, je n'avais donc aucune idée de son art et je crois qu'à y regarder de plus près, j'y trouverai des clés de compréhension.
Pourtant je ne déroge pas à la règle des contemplatifs: quelle beauté! Les costumes, les décors, la mise en scène et les lumières, tout y est époustouflant. Une sorte de galerie de photographies vivantes et d'autant plus sensitive.
Peut-être qu'une meilleure connaissance de la culture chinoise et du cinéma de ce réalisateur donnerait plus de profondeur à cette lenteur: contempler n'est jamais négatif en soi, mais encore faut-il savoir quel en est l'objet.
Il semble y avoir une dimension très métaphysique- je pense ici aux scènes de combat contre son maître une fois masqué (était-ce bien elle?) et une fois vêtue de son habit blanc habituel.
Le personnage principal se nomme Yinniang, ce qui ne semble pas être un hasard. Toujours vêtue de noir, elle prolonge la volonté de son maître - une femme, la princesse nonne- toujours vêtue de blanc. Une complémentarité qui l'a séparée dès l'enfance de sa famille et de ses origines: à elles deux, elles forment un tout distinct des activités mondaines et politiques.
Quand elle revient chez elle, parmi les siens, elle pleure et se fragilise puis se reprend. L'histoire racontée pendant le film est assez éclairante sur ce point: un oiseau bleu qui appartenait au roi ne chantait jamais. La reine proposa alors de le mettre devant un miroir puisqu'un oiseau chante en présence des siens. L'oiseau chanta alors, puis il mourut de tristesse.
The Assassin n'est pas un film sur la mort mais sur une renaissance, une transformation. Nous avons des miroirs devant nous mais qui peuvent être brisés pour s'en libérer et s'adapter à l'environnement auquel nous avons l'occasion d'appartenir.
Tuer pour un autre, sous ses ordres est un signe de dépossession de soi. Tuer librement à l'inverse s'apparente à une libération de l'âme. D'où les sensations de ruptures nettes qui s'opèrent lors des combats contre son maître, ou son alter ego.

machkae
7
Écrit par

Créée

le 15 mars 2016

Critique lue 300 fois

2 j'aime

machkae

Écrit par

Critique lue 300 fois

2

D'autres avis sur The Assassin

The Assassin
Velvetman
9

La veuve noire et l'oiseau bleu

Dans sa volonté de magnifier son image à l’extrême, Hsiao Hsien détient cette force de ne jamais forcer le verrou de la caricature : il ne construit pas ses plans pour qu’ils soient beaux, mais pour...

le 24 févr. 2016

101 j'aime

16

The Assassin
Sergent_Pepper
7

L’étrange douleur des lames de ton cœur

Qui connait un tant soit peu Hou Hsiao-Hsien saurait à quoi s’attendre : The Assassin est certes un film historique s’aventurant sur les terres très codifiées du wu xia pian, il n’en reste pas moins...

le 3 avr. 2016

88 j'aime

2

The Assassin
Vivienn
9

La Femme des sabres

Fier d’être devenu plus rare qu’un Stanley Kubrick (The Assassin est seulement son troisième long-métrage en dix ans), Hou Hsiao-Hsien est un auteur qui a su se cultiver une aura certaine auprès de...

le 15 mars 2016

63 j'aime

3

Du même critique

The Assassin
machkae
7

Yinniang

Certains films méritent un contexte et celui là en fait définitivement partie. Sans horizon d'attente, si ce n'est celui d'un "très bon film" selon de nombreuses sources, je m'étais fait l'idée d'un...

le 15 mars 2016

2 j'aime

Girls
machkae
6

L'éphémère

Si l'on ne prend en compte que les deux premières saisons j'écrirais la critique suivante. Les personnages y sont originaux, chose qui surprend après avoir eu un sourire cynique en lisant le titre de...

le 26 janv. 2014

1 j'aime