Certains films méritent un contexte et celui là en fait définitivement partie. Sans horizon d'attente, si ce n'est celui d'un "très bon film" selon de nombreuses sources, je m'étais fait l'idée d'un The grand master version chinoise. Pas d'autre HHH à mon actif, je n'avais donc aucune idée de son art et je crois qu'à y regarder de plus près, j'y trouverai des clés de compréhension.
Pourtant je ne déroge pas à la règle des contemplatifs: quelle beauté! Les costumes, les décors, la mise en scène et les lumières, tout y est époustouflant. Une sorte de galerie de photographies vivantes et d'autant plus sensitive.
Peut-être qu'une meilleure connaissance de la culture chinoise et du cinéma de ce réalisateur donnerait plus de profondeur à cette lenteur: contempler n'est jamais négatif en soi, mais encore faut-il savoir quel en est l'objet.
Il semble y avoir une dimension très métaphysique- je pense ici aux scènes de combat contre son maître une fois masqué (était-ce bien elle?) et une fois vêtue de son habit blanc habituel.
Le personnage principal se nomme Yinniang, ce qui ne semble pas être un hasard. Toujours vêtue de noir, elle prolonge la volonté de son maître - une femme, la princesse nonne- toujours vêtue de blanc. Une complémentarité qui l'a séparée dès l'enfance de sa famille et de ses origines: à elles deux, elles forment un tout distinct des activités mondaines et politiques.
Quand elle revient chez elle, parmi les siens, elle pleure et se fragilise puis se reprend. L'histoire racontée pendant le film est assez éclairante sur ce point: un oiseau bleu qui appartenait au roi ne chantait jamais. La reine proposa alors de le mettre devant un miroir puisqu'un oiseau chante en présence des siens. L'oiseau chanta alors, puis il mourut de tristesse.
The Assassin n'est pas un film sur la mort mais sur une renaissance, une transformation. Nous avons des miroirs devant nous mais qui peuvent être brisés pour s'en libérer et s'adapter à l'environnement auquel nous avons l'occasion d'appartenir.
Tuer pour un autre, sous ses ordres est un signe de dépossession de soi. Tuer librement à l'inverse s'apparente à une libération de l'âme. D'où les sensations de ruptures nettes qui s'opèrent lors des combats contre son maître, ou son alter ego.