Mon premier Hou Hsiao-Hsien. Désormais, il me tarde de me pencher sur son œuvre.
The Assassin... ne peut pas se résumer ; ramasser un tel film en quelques phrases afin d’en proposer une trame rassurante, ce serait comme n’avoir vu que quelques scènes du film, celles où l’intrigue se noue et avance effectivement, mais ce serait aussi et surtout passer à côté du monde dont cette œuvre est l’écrin.
A mon sens, The Assassin est un film qui ouvre une fenêtre sur un monde supposément passé mais finalement rendu intemporel, et sur un ailleurs auquel nous pourrions aisément nous sentir étrangers mais dans lequel on ne se sent jamais de trop (bien que je sois certaine qu’une connaissance fine de l’histoire et de la culture chinoises ne seraient pas de trop). Car tout l’art est là : chaque plan est subtilement dosé de façon à immerger le spectateur dans un univers qui se laisse deviner au-delà de l’écran, à le poser comme un observateur discret, qui est juste là, à errer paisiblement. « Lent et beau », m’avait-on dit des films du réalisateur : ce sont les bons termes.
Les scènes durant lesquelles se déroule l’action sont d’une justesse incroyable dans le sens où on sent clairement qu’elles ne manquent de rien et ne gagneraient rien à être plus longues. Toutes n’apportent pas quelque chose au fil scénaristique, mais toutes servent le film, ce qui vaut également pour les scènes en dehors de l’action. S’ouvrir au monde, observer, s’imprégner de ce qui règne dans le film -qui très vite n’en devient plus un tant il nous happe- devient presque une action à part entière ; à intellectualiser trop la chose, en repensant à ses scènes où « il ne se passe rien », on aurait vite tendance à dire que finalement le film aurait tout aussi bien pu durer une demi-heure. Mais dès lors l’intrigue et les personnages perdraient en saveur. Sans compter qu’on mettrait de côté les scènes où la musique -splendide- se fait personnage à part entière.
Pour finir, parlons un peu de notre assassin. Une perle. Comme une ombre dansante qui donne l’impression d’être une étoile éteinte jusqu’aux moments où on en voit encore briller l’éclat. Il est rare qu’un personnage aussi fortement lumineux, en termes émotionnels, naissent de l’ombre, et évolue sans cesse auprès d’elle. On sent cette femme complexe, on sent qu’elle enferme une richesse indicible -qui, justement, n’est pas dite, mais montrée. Une complexité qui paraît encore plus intemporel que le film lui-même, car on imagine bien pouvoir extraire le personnage du film sans forcément en perdre trop son essence. Cela contraste fortement avec les personnages secondaires, qui, eux, ne peuvent être détachés du contexte historique et culturel du film, même si celui-ci peut être considéré comme étant à l’arrière plan. Moralement et dans l’action, ils sont liés d’une façon ou d’une autre au contexte politique, aux croyances (notamment en la magie), à la hiérarchie socio-culturel,... Ils sont dans le film. The Assassin, elle, l’est bien moins ; elle erre, comme une ombre, et continue de nous suivre une fois la lumière rallumée.