Il aura suffit d'un quetzal pour retourner le monde. C'est le sentiment que l'on a en voyant le splendide nouveau film de HHH. A plus d'un égard, il renvoi en mains toutes les tentatives de jeux possibles qui ont été faites sur le genre du film de sabre, et plus encore sur celui des films de guerriers solitaires un brin muselés qui vagabondent de place en place pour s'insinuer dans la vie de leurs vie-ctimes. Il renvoi aussi d'une même traite giclée de sang, le cinéma et les idées que l'on peut avoir sur ce médium qui sait toujours nous achever au moment où l'on s'y attend le moins.
The Assassin nous rappelle comment être émerveillé se produit, sans jamais nous le dicter il nous parle ainsi à chacun dans la plus grande intimité, comment ce sentiment ne demande aucune répartie, et qu'il ne fait que s'embellir avec sa cruelle irrésolution.
Il nous rappelle comment les films bavards, suffocants de mouvements, oblitérés par la volonté du réel, trop attachés aux raccords sont légion aujourd'hui (le dernier Audiard), et comment on peut hypnotiser l’œil d'un aguerri avec la posture figée d'un corps sur une montagne gercée.
Il nous rappelle à quel point le cinéma peut s'engluer dans la démonstration et dans les tours de force (le dernier Innaritu) alors qu'il peut faire tout simplement le rêve.
Il nous rappelle la différence entre l'austérité forcée (le dernier Bartas), et le minimalisme.
Il nous rappelle aussi la clairière du monde qui s'ouvre au jeune spectateur de la vie, son ascension aux pôle et la séparation qu'il fait du quotidien pour se construire enfin de son côté. L'engeance solitaire qui est en nous pendant le film s'observe, et comme l'oiseau du film qui s'observe nous en mourons lentement.
Il nous présente le cœur même de ce qu'est la rythmique au cinéma, un oiseau rare qu'il faut laisser voler par intermittences, dans les moments que la conscience aura choisie, et non pas une moissonneuse qu'il faut laisser passer pour écraser chaque scène et chaque personnage (le dernier Rappeneau) pour alourdir un scénario pré-fabriqué.
Une science n'apporte rien à un art tant qu'elle n'est autre chose qu'un ressenti. Il échappe à l’expertise car il s’évapore, c'est un film de la combustion, de la brûlure qui prend le spectateur et le déverrouille de ses manières l'espace d'un instant pour se laisser transparaître.
The Assasin, tout aussi formidable et en même temps bien différent des précédents films de son auteur, est un film à la volée, une embarquée désespérée pour la vie, un monument timide, déjà.