L'histoire prend appui sur une courte nouvelle du IXe siècle du genre Wuxia et de ses femmes guerrières employées par des clans pour assassiner les gênants, pour des raisons parfois opaques et pendant, justement, la grande confusion de la dynastie Tang, et des rébellions des gouverneurs provinciaux, contre l’empereur.
Hou Hsiao-Hsien tente d'adapter le récit plus librement et s'attache à son héroïne solitaire, Nie Yinniang, confrontée entre son devoir envers son maître d'armes à libérer le monde des tyrans et sa lutte intérieure pour le bien commun.
Un personnage duale à la fois dévoué mais en rébellion, à la fois en dehors des manigances mais partie prenante. La clarté ne sera pas le maître mot de cette intrigue, jouant d'ellipses multiples, le cinéaste semblent avoir occulté certains personnages secondaires dans leur caractérisation tout en les mettant en scène, et nous perd un peu.
Mais on retrouve au fil des séquences une ligne directrice maîtrisée où chacun dans ses actions, y cherche un moyen de survie, confondant leurs destinées soumises à des protocoles familiaux et de clans, de privation de liberté, de quête individuelle, et de désir, quitte à se perdre définitivement par manque de conviction.
Préférant le clin d'œil aux films de samouraïs façon Kurosawa et sa mise en valeur des éléments, plutôt que la haute voltige des films chinois, plus récents, ce ne sont pas les quelques scènes d'actions, qui sont la priorité du metteur en scène. Avec l'absence d'effet spéciaux, celles-ci sont d'une fluidité étonnante avec un parti pris plus terre à terre et elles sont tout autant fugaces que le temps sur les personnages au contraire, s'étire, moments d'arrêts sur images, mais aussi mouvements des corps souvent dansés, alliant lenteur et beauté du geste.
Contrairement à Ozu par exemple, et ses plans rapprochés, Hou Hsiao-Hsien filme de loin, englobe de grands espaces mais le rejoint sur le sens du détail et des arrières plans, préférant dévoiler un état du monde et ses sacrifices humains, que de caractériser franchement les personnages, s'attachant à l'infiniment plus grand que ces destinées vouées à disparaître dans leurs luttes intestines. Hou Hsiao-Hsien nous éloigne de ses personnages, les cache voire les fond dans les décors, derrière les branchages des arbres ou derrières les voiles d'une pièce, comme absents des drames qui se jouent, et laisse la part belle à la nature et son environnement.
Une forêt de bouleau blanc, de montagnes brumeuses et de temple isolé sous la pluie, ou en intérieur, par des rituels, hautement photographiques, qui rappellent au théâtre et aux peintures anciennes, ou encore les plans géométriques qui retranscrivent parfaitement ces vies de palais, appuyant sur l'isolement et l'enfermement dramatiquement compensées par la richesse, le faste et les couleurs chatoyantes. Tout en silence et manigances diverses, de violences des échanges en sourdine ou frontale, la beauté de chaque scène, la technique, le travail sur la lumière et le son, lancinants ou répétitifs, instruments d'époque ou tambours africains, qui accompagnent les moments de tension ou de déambulations, confèrent à l'ensemble une profonde nostalgie et une grande poésie. Un travail artistique, de couleurs, de sons et d'images qu'il est quand même assez rare de voir si abouti au cinéma.
Dommage que le fantastique ne soit pas plus présent, seules deux scènes l'introduisent comme un rappel à cette époque ancrait dans la magie et l'occultisme, optant plutôt pour un contexte réaliste.
Pour ceux que cela intéresse le récit original de Pei Xing est trouvable seulement et en français, dans le livre Nuages mouvants Chronique sur la réalisation du film The assassin .
Ce livre propose un triptyque inédit : le récit historique de Pei Xing (IXe siècle) qui a inspiré le film The Assassin, le scénario original (écrit par Chu Tien-wen, A Cheng et Hsieh Hai-meng), enfin et surtout « Nuages mouvants », la chronique de l’écriture du scénario, de la préparation et du tournage, écrite par Hsieh Hai-meng, la plus jeune des scénaristes taïwanaise
A savoir aussi que l'auteur Pei Xing se serait servi de sa propre expérience d'homme au service d'un gouverneur militaire, bloqué dans ses promotions pour son portrait de cette époque troublée.