Barry Levinson, l'homme à l'origine de "Rain Man", "Sleepers", "Sphere" ou "Good Morning, Vietnam", laissant une trace indélébile sur le cinéma américain, aux commandes d'un found footage ? Il faut avouer que la surprise était de taille, surtout quand ce procédé de mise en scène, proche du faux-documentaire, est rarement bien employé. The Bay a tout du produit de commande mais c'est là que le réalisateur surprend, il s'agit d'un projet personnel qu'il tenait à mettre en avant. Le réalisateur souhaite dénoncer à travers ce film dont la trame évoque une infection bactérienne. Sélectionné en compétition officielle à Gérardmer et récompensé par l'estime des journalistes sur place (le Prix de la Critique International a finalement été remis à Berberian Sound Studio), The Bay a tous les atouts pour se poser comme un bon film de genre.
The Bay, c'est donc une histoire d'infection, qui a souvent été rabattu. Le récit démarre dans une petite ville côtière paisible et va se retrouver en proie à une contamination bactérienne à l'échelle locale qui va lentement prendre des proportions incroyables. Avant d'insister sur le récit, il faut reconnaître que la bande-annonce est très racoleuse. Elle donne le sentiment qu'il s'agit d'un film d'épouvante/de peur et de zombies. Finalement, il n'en est rien et le film se pose davantage comme un documentaire sur une situation où les institutions sanitaires ont totalement perdu le contrôle. Le message de Barry Levinson est très écologique. La critique pointe du doigt le manque de respect des normes sanitaires des industries agroalimentaires, le motif de cette infection étant le rejet de déchets organiques dans la seule source d'eau potable de la côte. Les premières scènes d'infection sont assez tendues, et font ressentir un certain malaise et une empathie pour ces citoyens, victime de la malhonnêteté de leurs élus et des industries pour lesquelles ils travaillent.
Le comparatif, sur le plan scénaristique, avec Contagion de Soderbergh est inévitable. Il reprend d'ailleurs ce même principe façon found footage, en l'occurrence une diversité des points de vue sur une situation de crise sanitaire. Barry Levinson ajoute cependant quelque chose à la mise en scène. Il y a une véritable part de docu-fiction qui ajoute un aspect inquiétant tant une situation de ce type semble crédible. Le procédé permet de mieux s'impliquer, et si le jeu d'acteur n'est pas vraiment fameux, l'intrigue inspire l'empathie grâce à ce montage autour d'un vrai-faux recueil de vidéos trouvées et construit comme un faux-documentaire. Chaque point de vue transpire le réalisme : Du journaliste stagiaire à Skype en passant par les archives scientifique, vidéos de portable, de vacance, caméra surveillance, vidéos amateur ou encore caméra sur les voitures de police. L'ensemble de ces technologies confère une diversité des points de vue intéressant et permet de donner une identité notable à un métrage pas vraiment original. Barry s'est approprié tous les types d'enregistreur d'images pour nous proposer un melting-pot de toutes les nouvelles technologies, et renvoient à cette nouvelle forme de média qu'est le journalisme amateur et dont les anciens médias s'en inspirent désormais.
Si le scénario semble pertinent, certaines situations semblent seulement avoir été crée pour crée du rythme ou donner le sentiment que The Bay est un film d'épouvante. Quelques péripéties tâchent le film et rendent certains moments ridicules, prévisibles voire grotesques. Pourtant, le film propose également quelques bonnes idées notamment la gestion de la crise sur le terrain (la police), les bureaux (les services médicaux et sanitaires) ou tout simplement du point de vue des citoyens, qui subissent les erreurs d'instances plus hautes qui ont autorisé ces manques de respect sanitaires pour des raisons économiques. The Bay se présente davantage comme un film d'anticipation écologique qu'un véritable film fantastique. Mais son message politique et écologique sur la sauvegarde de la nature permet de relancer le débat de la protection des zones maritimes, des normes dans les entreprises ou du contrôle respecté de ces normes.
Mais si le film propose de bonnes choses, surtout dans le genre found footage qui a tendance à se répéter, The Bay n'évite pas les défauts et les clichés du genre. Tout d'abord, venant de Barry Levinson et c'est surprenant, la direction artistique est stéréotypé, jamais à même de provoquer des émotions pour ces personnages et surtout rabaisse le sentiment de réalisme dont Levinson voulait transmettre, même si la mise en scène tend à s'en approcher. Par moment, l'intrigue se perd et se contredit en passant de moments de contemplation de la crise à des moments censés réveiller le spectateur. L'aspect artificiel se ressent beaucoup trop dans ces séquences et donne l'impression que le réalisateur hésite à "refictionaliser" son intrigue, combinée à une bande-originale très dispensable, qui casse complètement le concept même de faux-documentaire. Certaines situations sont explicitement soulignées par des morceaux dramatiques et n'ajoutent toujours pas d'émotions à ces personnages. Levinson aurait du se cantonner à un regard de réalisateur de documentaire, donc quasi-neutre, sans apporter des ficelles aux spectateurs pour "s'émouvoir" à tel ou tel moment. The Bay, peut-être sous la pression des producteurs et/ou studios, s'effondre dans une atmosphère racoleuse, dont l'ensemble des séquences supposées terrifiantes se trouvent dans le trailer. Les séquences affreusement prévisibles s'enchaînent, avec des procédés grossiers qui ne fonctionnent plus (zoom avant long, musique stridente de plus en plus audible,etc.). Une stratégie qui nuit à son sujet puisque The Bay hésite constamment à se présenter comme un documentaire d'anticipation ou un film tout ce qu'il y a de plus standard.
Vu à Gérardmer en avant-première avec un public qui a apprécié ce film, mais sans être transcendé vu les discussions à la sortie, The Bay peut se vanter d'être un exemple de ce qu'il faut faire dans le found footage en matière de mise en scène, même s'il ne révolutionne pas complètement le concept. Décevant sur la construction de l'intrigue et de ses personnages, le film se rattrape heureusement sur son parti-pris de présenter la situation comme un documentaire, à l'inverse de Contagion. Sublimé par un message écologique réfléchi et dénonciateur des actions polluantes de l'industrie agro-alimentaire et d'une gestion de crise chaotique. Levinson arrive là où on ne l'attendait absolument pas. Le pari risqué de Levinson n'aura cependant pas convaincu Gérardmer puisqu'il repart bredouille en récompenses mais a tout de même su divertir le public et la presse dans une moindre mesure.
Superficiel et creux, mais revendicateur et visuellement appréciable, The Bay est un film qui conviendra à l'ensemble des amateurs du genre, mais n'a pas les moyens pour donner de véritables lettres de noblesse au found footage, à la manière d'un Blair Witch ou [REC] qui ont marqué les esprits.