Giuseppe Tornatore fait partie de la catégorie des réalisateurs discrets. Le réalisateur d'origine sicilienne enchaine les longs métrages qu'il a envie de faire, dans son coin, sans faire de bruit mais toujours avec autant de talent. Ça ne l'a pas empêché de multiplier les récompenses et de tourner avec avec des casting internationaux et les plus grands, de Philippe Noiret à Marcello Mastroianni en passant par Tim Roth. De ce coté-ci des Alpes, c'est bien entendu l'immense Cinéma Paradiso, récompensé notamment d'un Prix du Jury et du Prix Spécial à Cannes et d'un Oscar, qui est le plus connu. Et pourtant Tornatore a tourné depuis neuf autre long-métrages dont The Best Offer qui arrive bien tardivement en France.

Les aléas de la distribution sont toujours aussi étranges et incompréhensibles pour le grand public. Comment bon nombre de comédies plus ou moins dramatiques insipides peuvent-elles envahir nos salles et les bons films être relegués à pas grand chose ? C'est pourtant ce qui arrive à La Migliore Offerta, sorti en janvier 2013 en Italie, disponible là bas en blu-ray depuis de nombreux mois et déjà diffusé dans bon nombre de pays européens depuis l'automne. En général, ce sort est réservé aux très mauvais films, ce qui est loin d'être le cas ici. Le nouveau Giuseppe Tornatore est en effet une belle et franche surprise.

Réalisé par un metteur en scène italien, avec des premiers rôles australiens (Geoffrey Rush) et néerlandais (la sublime Sylvia Hoeks), The Best Offer raconte une histoire se déroulant en Suisse. Celle d'un commissaire priseur, spécialiste des antiquités, un peu spécial car n'aiment pas vraiment les gens ni le contact humain en dehors de quelques. Très "british" dans ses manières, il monte des coups pour acquérir les œuvres qu'il met aux enchères et les enfermer dans une salle forte, uniquement des tableaux représentant des portraits de femmes destinés à compenser son éternel célibat. Un jour il va se retrouver "face" à une mystérieuse cliente, face n'étant pas le très bon terme parce qu'il va vite découvrir qu'elle vit dans une pièce secrète de la maison dont il doit vendre les meubles et que à sa manière, elle a bien du mal à apprécier la compagnie de la race humaine.

Ils vont donc se découvrir et s'apprivoiser l'un l'autre, chacun du coté d'une porte fermée. L'idée n'est pas sans rappeler l'excellent Lullaby for Pi de Benoit Philippon si ce n'est que le spectateur ne fait qu'accompagner le personnage de Geoffrey Rush et va donc, comme lui, mettre un temps à découvrir à quoi peut bien ressembler Sylvia Hoeks. Ce sera d'ailleurs le seul point commun avec le film mettant en scène Clémence Poesy puisque Giuseppe Tornatore gère sa romance comme un thriller. Qui pourrait bien être cette jeune fille derrière la porte ? A quoi ressemble-t-elle et pourquoi est-elle là ? Et comment se fait il qu'il trouve éparpillées dans l'immense bâtisse de nombreux rouages et autres pièces mécaniques destinées à un vieux robot mécanique ? Le réalisateur pose beaucoup de questions et laisse le spectateur s'interroger tout en déroulant son histoire d'amour, rendant la relation beaucoup plus prenante qu'elle aurait pu être.

Geoffrey Rush et l'ancienne mannequin de l'agence Elite, dont c'est le premier grand rôle international, livre tous les deux une prestation exemplaire, mise en lumière par la réalisation à la fois sobre et efficace du metteur en scène de Cinema Paradiso. Le tout est sublimé par le travail d'Ennio Morricone. L'un des plus célèbres (à juste titre) compositeur de musiques de film de tout l'univers livre une partition musicale collant parfaitement avec les images et relevant juste comme il faut ce qui se passe à l'écran.

Si on se laisse prendre au jeu, il reste à la sortie de la salle une sensation de prévisible. Comme si on avait deviné la fin à l'avance et qu'on ne s'en souvenait qu'après coup. Ca pourrait -c'est d'ailleurs- un défaut mais Giuseppe Tornatore l'a bien compris. Il se doute bien que son histoire a une impression de déjà-vu. C'est pourquoi il choisit de se focaliser sur l'humain plutôt que sur son dénouement, prenant le temps de conclure comme il faut l'évolution du personnage de Geoffrey Rush - au départ un commisseur priseur célibataire endurci qui va dramatiquement évoluer pour une jolie femme. Même s'il prend pour cela sans doute un petit quart d'heure de trop.

The Best Offer est donc un vrai film charmant. Charmant par son ambiance mi-romance mi-thriller. Charmant par ses comédiens inspirés. Charmant par son histoire et la manière de la raconter. Depuis Cinema Paradiso, Giuseppe Tornatore n'a rien perdu de sa superbe et reste un formidable conteur d'histoires.
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le 3 mars 2014

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