"Il y a une part d'authenticité dans chaque contrefaçon."

                                             AVERTISSEMENT AU LECTEUR: 

Bien que ma critique ne soit pas un spoil en règle, t' y aventurer trop loin risquerai de te gâcher le plaisir si tu n' as pas vu le film. Persévérer étant aussi diabolique que répandu, j'ai placé une petite pancarte qui t'avertira de l' endroit à ne pas dépasser....


Ceci étant posé, prenez un film dont l' action est supposée se dérouler en Italie, mais dont on a l'impression qu'il se passe en Suisse tant tout semble propre, net et à sa place. ( officiellement il a été tourné dans le Trentin et en Sud Tyrol). Les personnages y parlent anglais, langue maternelle des acteurs. Geoffrey Rush fissure l'armure de son personnage avec maestria, Sutherland figure sans forcer le vieux matou affûté quoique sous-exploité , Morricone à la musique nous rappelle qu'il n'est pas mort, tandis que l' image lisse, bien éclairée, met en valeur l' écrin artistique de l' histoire, l'univers des commissaires priseurs, de la Peinture et des antiquaires de luxe. Le scénariste et réalisateur pour avoir connu un grand succès dans le passé connait les ficelles du métier..., Bref, tout respire le fabriqué autant que le travail bien fait, avec au bout de la chaîne des dialogues calibrés au cordeau pour susciter les effets adéquats.


SPOIL


On s’apprête à passer un excellent moment, façon divertissement à l'ancienne, et puis un certain charme opère sur nous, on se laisse prendre au portrait de cet homme de l' art, maître des artifices et ses petites cachotteries d'arnaqueurs nous amusent. Il est charismatique autant qu'œil impitoyable séparant le chef d’œuvre de sa contrefaçon et on est fasciné par sa collection, en son refuge authentiquement impressionnant. On assiste non sans un petit pincement au cœur à sa métamorphose, la statue du commandeur qui se fêle, on tombe amoureux avec lui d'une agoraphobe aussi agaçante qu'invisible. On la déteste autant qu'on l'aime, on la désire tant voir...


A ce stade là, l'histoire romantique qui se noue charme, avec ce soupçon de Cyrano revisité, ces tâtonnements de jeune amoureux aux cheveux blancs.
Et puis la fadeur de l' héroïne a présent nue dévoilée déçoit. La lourdeur du cinéaste à nous signifier que le héros est un vieux puceau qui n' a jamais vu la louve pèse. Et puis pourquoi aussi nous faire le coup du puzzle façon pièces d'automates qui s'assemblent pour nous dire la Vérité vraie? Touche d'orgueil de l'artiste nous appâtant avec ce symbole arty du deus ex machina, façon Machiavel 2.0?


Plus la fin se précise, plus le peintre Tornatore abuse du coup de pinceau, des effets de couleur, en rajoute une couche, cette catastrophique dernière séance de vente aux enchères qui sonne faux comme du mauvais théâtre de dupes. Oh bien sûr, sans avoir été spoilé moi même, j'avais eu vague écho d'une surprise, mais alors que je rêvais encore d'une fin tragique, d'une jeune femme libérée de sa maladie par le vieil amant qui prend son envol pour ne pas rester dans les bras de ce vieux barbon ennuyeux, préférant pourquoi pas le jeune génie de la bricole et de la stratégie amoureuse, dans son dos il conquérait la belle pour lui seul le petit saligaud.


Au lieu de ça Tornatore, après avoir su nous émouvoir, choisit de hurler avec les loups de cynisme joueur ( Afin d'obtenir un financement conséquent pour son bel ouvrage ? rhétorique perfide je le sais )


Il sacrifie la beauté à la facilité, l' artifice à l'authenticité. Il est donc de ces artisans de la contrefaçon qui reproduit ici du Hitchcok mêlé à du Mankiewicz. Et bien soit!


Le thriller sur le mode arnaque prend le dessus sur la tragédie amoureuse et le spectateur peut se sentir quelque peu floué à l'image du personnage principal. The best offer, really?


Étrange quand on repense à ce chef d' oeuvre sentimental qu' était Cinema Paradiso.


Et si Tornatore, en guise de pirouette avait osé la victoire de l'humain sur l' appât du gain ?
Je sais que cinéma et morale ne font pas bon ménage, cela n' empêche pas de nourrir quelques regrets, délicieux sentiment quand un film vous laisse sur votre faim.... Ah si la belle mécanique s'était enrayée, emballée, avait déraillé.. Faisons un rêve...

Si une contre anarque avait annulé celle-ci dans un sursaut de lucidité de notre vieux barbon solitaire ?


Au final j'aurai mis huit à la tragédie romantique moderne, auquel j'ôte le deux que j'aurai mis au thriller saccagé par le twist final. Cela fait sept, car j'ajoute ce supplément d' âme, cette fin à Prague, et la dernière image du héros, seul au milieu de tous ces engrenages, tic tac tic tac...Mêmes séparés les rouages gardent l' empreinte de ceux qu'ils côtoyaient, comme les êtres humains . Ta touche d'authenticité dans cette splendide contrefaçon de la Vie? Oui Guiseppe, parfois tu sais être fin, et de cela je te suis reconnaissant.

PhyleasFogg
7
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le 23 avr. 2014

Modifiée

le 23 avr. 2014

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