La légende du grand Judas
Ça y est j’ai encore découvert un acteur, et dans la continuité de ce que je vous ai expliqué dans ma critique sur le 13 Tueurs de Kudo, ça fait du bien de se coucher moins ignare le soir. J’ai nommé Raizo Ichikawa, et je remercie au passage encore un certain @drélium d’avoir subliminalement introduit son nom dans mon cerveau grâce à ses récentes critiques sur la trilogie du Sabre de Misumi.
D’ailleurs je vais entamer un top.
Un top Raizo Ichikawa, je veux dire.
Pour revenir au film qui nous intéresse, je vous avoue qu’il m’a fallu un certain temps avant de me laisser porter. Les enjeux dramatiques n’y sont pour rien —au contraire— car voici un pitch à base de trahison et d’exile comme il en faut peu pour être heureux.
Il s ‘agissait plutôt de ce que j’ai perçu comme une certaine maladresse formelle ; quelques coupes manquant de fluidité et de petites lacunes narratives, plus un ou deux plans un tantinet bancals.
Soit, arriveront ensuite d’autres compositions beaucoup plus heureuses ; en studio (le passage sous la neige) ou en extérieur (les paysages de montagne), couplés à une fluidité de plus en plus appréciable de la mise en scène à mesure que l’intrigue atteindra son paroxysme lors d’une conclusion finale au sabre complètement estomaquante ; preuve que Tokuzo Tanaka en a dans le bide.
Ça m’apprendra à avoir des pensées maladroites en disant qu’il est gauche.
En même temps le gars s’y connaît puisqu’il a déjà mis la main à la patte sur la série TV Lone Wolf and Cub, entre autre.
Tanaka signe un chambara porteur des valeurs et thématiques habituelles, bien amenées, avec notamment une emphase pleine d’ironie sur la bassesse des actes se parant derrières les apparats de la vertu, brossant au passage un portrait peu flatteur d’une société dont l’ultra codification de la morale n’échappe pas aux plus vils instincts des hommes. Lâcheté, trahison, cupidité, mensonge et jalousie sont donc au rendez vous.
Raizo Ichikawa, campant le ronin de l’histoire, trahi, et suivant toujours en dépit de son statut déchu un certain idéal philosophique lié au sens de l’honneur exacerbé propre au samourai, se montre plus que convaincant, tout en retenu jusqu’au déchainement final de son personnage ; cerise sur le gâteau d’une interprétation sans fausse note.
Tous ces éléments, bons et moins bons, m’avaient d’abord amené à vouloir noter « The Betrayal » d’un honnête 6, les enjeux de l’histoire se révélant certes attractifs, mais auraient gagnés à souffrir de moins d’ellipses. C’est définitivement et incontestablement la fameuse scène finale qui a motivé ce 7 enthousiaste.
Tanaka nous sert un superbe gang bang de sabre final intense et mémorable, une tuerie au sens propre comme au figuré dans laquelle Ichikawa se livre à un exercice physique comme il en existe peu sur les écrans : véritable machine à donner des leçons de katana, il tranche dans le vif, court, saute, esquive, pare, déjoue et joue à trompe la mort face à 200 adversaires qui vont regretter d’être venus en découdre avec l’honneur bafoué d’un samourai sûrement pas ici pour tailler une bavette.
Maitrisée et incroyablement lisible, impeccablement dosée, voilà comment Tanaka nous sert ce qui devrait servir de leçon à pas mal de tacherons pour les siècles à venir.
Un bon petit chambara apparemment peu connu sur le site, sans doute mineur me diront les experts, mais qui mérite tout de même un peu plus d’exposition. Mon avis est tranché en tout cas.