Les frustrés du Loup De Wall Street, qui l'avaient critiqué pour ce qu'il ne prétendait jamais être (c'est à dire lui reprochant de n'être pas un film sur la bourse), seront satisfaits.
The Big Short prend le pari difficile de reprendre la même énergie scorsesienne au service d'un récit, entre comédie et drame,traitant en profondeur de la crise et de ses origines.
On y trouve le même bordel ambiant, le même dynamisme, le même rythme ultra-soutenu, que dans le dernier Scorsese, multipliant les voix-off, les arrêts sur images, les apartés au spectateur, la bande son survoltée, et allant même jusqu'à piquer, l'espace d'une hilarante scène-parenthèse d'explication boursière, la comédienne Margot Robbie... !
Mais Adam MacKay, réussissant par là sa reconversion, en laissant derrière lui les comédies grassouillette, insuffle à son film une approche nerveuse, intimiste et documentaire (zooms saccadés, flous stylistiques, travail d'images d'archives...) qui permet une totale immersion dans le récit, balançant sans jamais se fixer, entre l'émotion du drame et le rire de la comédie.
D'autant plus que celui-ci n'est vraiment pas évident.
Et là est le tour de force du film ; proposer une intrigue complexe sur les mécanismes de la bourse et de la crise de 2008, dans ce qui est pour beaucoup une autre langue, et des personnages aux destins croisés sans se croiser, sans pour autant nous larguer totalement et (ce serait le pire) nous prendre pour des cons.
Le film parvient, par des passages absurdes, la convocation de pop stars random, des astuces cinématographiques hilarantes (définitions de mots apparaissant à l'écran, apartés, arrêt sur images, retours en arrières, mises en scènes burlesques d'événements historiques...) à tout nous expliquer. S'il on est parfois tout aussi largué aprèsqu'avant les explications (plus drôles qu'autre chose, au final), on parvient à saisir les grandes lignes et à ne jamais ainsi être éjectés du film par le film lui-même. Le défi de l'explication aux spectateurs, moments toujours délicats au cinéma (dont Scorsese avait choisi de ne pas s'encombrer en nous disant, texto, que l'on en avait officiellement rien à foutre) est ici relevé haut la main.
Mais parfois le film cède sous le poids de certaines facilités (le personnage qui feint de ne pas comprendre une donnée boursière qui concerne sont travail quotidien pour permettre à un personnage, par le biais d'un dialogue, d'expliquer cette donnée au spectateur ; on sent l'entourloupe à 2km) et pâtit de certains choix étranges et nuls que je ne m'explique toujours pas (les volets distinguant les différentes parties, accompagnées de citations nulle et inutiles ou encore les résumés d'années en quelques images réelles souvent hors propos et peu adéquates).
Mais c' est heureusement vite oublié grâce à l'interprétation d'un casting haut de gamme exclusivement masculin, génial, hétéroclite et explosif.
Comme le souligne le réalisateur en interview, l'importance première dans le film ce sont ses personnages. Il ne s'agit quasiment que de ça.
Et c'est effectivement le cas. Mais si l'affiche unit par un jeu stylisé de flèches les quatre personnages, dans le film, l'ensemble est plus délicat.
Les personnages, exceptés ceux de Steve Carell (décidément plus génial que tout lorsqu'il quitte ses acquis dans la comédie) et de sa bande et Ryan Gosling (volontairement cramé aux UV, gominé et musclé ; carnassier abject du milieu boursier) ne se croisent jamais. Brad Pitt (que l'on met en tête d'affiche mais qui s'octroie un second rôle) et ses deux jeunots ne rencontrent jamais ni Steve Carell ni Christian Bale, dont l’interprétation dépasse littéralement celle de tous les autres, tant il est touchant, agaçant et percutant dans ce rôle de génie mathématique, introverti, à la limite de l'autisme, pourvu d'un œil de verre qui marque encore plus son décalage d'avec le monde extérieur, qu'il fuit en restant cloîtré dans son bureau vitré. L'histoire se fonde littéralement sur eux.
Et comme Adam McKay le dit si bien : "On ne s’intéresserait pas aux détails financiers s'il n'y avait pas ces gars-là pour nous servir de guide.".

Créée

le 30 janv. 2016

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Charles Dubois

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