J’ai apprécié la première partie du film, qui dresse un portrait intéressant de Toth, cet immigré Hongrois arrivé en Amérique pour refaire sa vie. Dès les premières minutes, la statue de la Liberté cadrée à l’envers nous prévient: son parcours sera semé d’obstacles, le faisant osciller entre espoir et désillusion. L’ébauche de sa nouvelle vie est passionnante, d’autant qu’il reçoit plusieurs aides sur son chemin. Victimes de plusieurs injustices, il ne se plaint jamais, puis se laisse convaincre dans l’idée que l’Amérique le rejette, incapable de voir les opportunités qui lui ont étés offertes.
L’architecte qui érige des bâtiments imposants, se retrouve impuissant dans sa propre vie intime. De même, la réflexion sur l’identité et la mémoire s’incarne dans des personnages amputés d’une partie d’eux-mêmes. Toth lui-même en vient à s’interroger sur sa propre judéité, comme s’il cherchait à reconstruire quelque chose d’évanescent, à la manière d’un architecte confronté à des plans qu’il ne reconnaît plus.
Adrian Brody, lui, livre une prestation saisissante. Son personnage, hanté par son passé et broyé par un futur qu’il ne maîtrise plus, semble être une extension de son rôle dans Le Pianiste: un homme exilé, perdu dans une époque qui le dépasse, tentant de reconstruire quelque chose sur des ruines. Il porte le film sur ses épaules, avec cette mélancolie et cette fragilité qui lui sont propres.
Malgré sa maîtrise esthétique, The Brutalist souffre de quelques faux raccords narratifs: La scène du repas interrompu, par exemple semble scénaristiquement sortie de nulle part. Quant à l’épilogue, il pose des questions intéressantes mais refuse de leur donner corps, laissant une impression d’inachèvement, comme tout le reste de l’œuvre finalement.