Tourné en 2008, The Bunny Game a été présenté au PollyGrind Film Festival (à Las Vegas) en 2011, où il a obtenu plusieurs récompenses. Il génère rapidement de vives controverses en raison de ses scènes de violence et de sexe non simulé, allant jusqu'à être interdit au Royaume-Uni. Il connaît une sortie limitée aux USA et est renvoyé au marché DTV pour le reste. Il sera alors honni, rejeté en masses voir haï, récoltant des appréciations désastreuses, pour quelques timides compte-rendus plus nuancés.
Toutes ces émules autour de Bunny Game sont assez étonnantes. Adam Rehmier n'a pas forcément réussi son film mais a le mérite de présenter un torture porn arty, détonnant dans les deux sens. Haneke a pondu un ado effrayant dont la figuration chez Larry Clark a tourné au bad trip fatal. Le spectateur suit l'enfer d'une prostituée, qui commence à être un peu trop finie et pleure à chaque passe. Lors d'une de ses quêtes zombiesques, elle tombe sur un client autrement hargneux. Il va l'emmener dans son camion, la retenir dans le désert et la torturer.
L'action se déroule sur plusieurs jours, mais les repères temporels sont quasi absents au même titre que l'expression des motivations du bourreau. Le film est traversé par de nombreux moments de perditions ; des égarements bien vigoureux. Ces flottements sont cohérents avec l’héroïne et sa destinée, puis en fonction de cet enfer dans un semblant de garage. Bunny Game ne propose pas le néant pour autant et ne joue pas le coup de la vidéo amateure aveugle (cas de August Underground et de l'ensemble des found footage).
Il oscille entre immersion scabreuse (cris, expérimentations, jeux malsains) et distance d'esthète ; la séance a donc un goût étrange, suscitant ennui, sidération, curiosité, le tout avec plus ou moins de force et surtout de circonspection. Car on patauge tout de même et il n'y a pas de suspense, juste de l'attente et des délires, au sens propre, quoiqu'il manque une clé et tous les liens qu'elle ouvrirait. Dans les dernières vingt-cinq minutes (sur 75), c'est le temps du happening costumé et de séquences plus agressives, sans revenir au flirt avec le porno de l'ouverture.
Le climax approche – à moins qu'il ne s'éternise sous nos yeux ? Bunny Game est assurément frustrant de ce côté : il propose quelques images fortes voir perturbantes, mais reste interdit devant son sujet, quitte à consacrer son énergie à se planter. Les routiers du trash seront sans doute plutôt stoïques, le public moins averti pourra être sali et consterné. Rahmier laisse une espèce de Tetsuo lynchéen en chantier, obscène mais aussi chic & cheap. Il est peut-être sous influence du mystérieux Pig, court-métrage macabre de 1997.
https://zogarok.wordpress.com/2015/07/06/the-bunny-game/