Après le désastre estival de #Alive, Netflix distribue un nouveau film coréen sur sa plate-forme en cette fin d’année. The Call raconte l’histoire de deux femmes qui prennent mystérieusement contact par un téléphone qui relie leurs deux temporalités : l’une (Park Shin-hye) vit dans le présent, tandis que l’autre (Jun Jong-seo) est dans le passé, en 1999 pour être exact. Pas besoin d’en dire plus sur le scénario, car c’est pratiquement sur lui seul et ses nombreux rebondissements que le film se repose pendant près de 2h.
Première remarque, The Call est un film bâtard. Il commence comme un film d’horreur, au point où j’en suis venu à me préparer pour un ou deux jump scares bien sentis, mais non. L’histoire prend rapidement un tournant fantastique avant de sombrer dans sa deuxième moitié dans le thriller pur et dur, j’ai presque envie de dire : « bien gras ». Car le problème de The Call est qu’il est une redite, un patchwork pour être plus exact de tout ce que le cinéma coréen a produit dans ce genre cinématographique depuis maintenant deux décennies. On trouve par exemple des points communs avec The Strangers, à travers les thèmes du chamanisme et de l’isolement rural, mais aussi J’ai rencontré le diable, pour le côté tueur psychopathe qui semble ne s’arrêter devant rien pour parvenir à ses fins, ou bien encore Memories of Murder sur l’idée de la police complètement désœuvrée face à la violence des méfaits qui se produisent.
Les références sont omniprésentes, au point que j’en suis venu à me demander si The Call n’était pas un « film hommage » à tout ce référentiel du cinéma coréen contemporain, compilant toutes sortes de clins d’œil plus ou moins subtils (l'aquarium, les frigos, la serre...). Un point qui n’est pas négatif en soi mais qui à la longue a fini par me sortir du film, tant je trouvais qu'il manquait d'une identité clairement assumée. À force de picorer çà et là dans les ténors du genre, The Call se perd en voulant en faire trop. Cela donne à l’action (qui prend clairement le pas sur l’aspect enquête-fantastique dans la deuxième heure) une tournure malheureusement bien trop brouillonne pour ne serait-ce que faire frissonner un peu.
L’autre gros point faible du film provient de ses nombreuses incohérences, qui m’ont totalement éjecté du film à plusieurs reprises. Comme à chaque fois dans les fictions qui introduisent la thématique du voyage dans le temps (ici c’est plutôt une influence sur le cours du temps pour être précis), le risque de tomber dans les contradictions est élevé. Pour en esquiver quelques-unes, le film prend le parti de ne pas expliquer l’origine du téléphone autour duquel gravite l’intrigue. Pourquoi pas, mais à la longue, ce combiné vintage qui réapparaît dans l’une des réalités alternatives du présent…
… comme celle dans laquelle le père de l’héroïne est encore vivant, a de quoi intriguer : pourquoi existe-t-il encore, alors que la maison a évolué avec le temps et n’est pas restée telle quelle comme dans la première « version » du présent ?
D’autres questions, relatives à la mémoire, peuvent être posées :
Pourquoi le vendeur de fraises, une fois tué par la femme en 1999, disparait-il de la mémoire immédiate des parents de l’héroïne, mais pas de celle de l’héroïne elle-même ? Est-elle immunisée aux changements qui se produisent entre les époques ? Certainement, mais alors pourquoi ? Pourquoi elle et pas les autres ? Rien ne sera expliqué sur ce point.
Mais au-delà des incohérences, ce sont aussi certaines informations passées sous silence qui ont de quoi frustrer le spectateur : quel est le rôle de l’exorcisme chamanique de la mère ? Quelle est son origine ? Le mal qui touche sa fille est-il en partie diabolique ou fantasmé ? Là où The Strangers – que je n’avais pourtant pas apprécié – avait au moins le mérite de fournir une réponse claire, assumée, The Call se contente de rester très superficiel, preuve de nouveau de cette propension à faire référence sans exploiter le concept. C’est dommage, puisque la relation temporelle aurait pu selon moi mieux être exploitée, pour traiter de cette idée de destinée et de mal hérité par des voies impénétrables, qu'il aurait été possible (ou non) de modifier par une intéraction trans-époque.
Le film parvient cependant à garder un bon rythme qui n’ennuie pas, hormis peut-être à la toute fin où cela s’essouffle. La faute à des rebondissements qui deviennent à mesure que l’histoire avance de plus en plus prévisibles. The Call est très classique dans sa structure narrative, malgré l’apparence complexe qu’il souhaite se donner par le truchement des phases temporelles. La fin notamment, manque complètement son coup en étant beaucoup trop convenue (alors que c’était la force de The Strangers, ou de The Chaser dans un autre style).
La CGI est aussi à mon goût beaucoup trop présente…
En particulier durant les phases où la réalité se réarrange conformément aux impacts du passé sur le présent : ainsi l’effet « Avengers » de la décomposition du papa de l’héroïne m’a plus fait rire qu’autre chose. Les effets sont trop prononcés, et mal faits. C’est curieux d’ailleurs parce les effets spéciaux deviennent l’une des grosses tares du cinéma gros budget coréen, pour une raison qui m’échappe.
Le jeu d’acteur (ou d’actrice étant donné la féminisation importante du casting) est assez inconstant. Du côté des gentils comme des méchants il y a du bon et du moins bon. La faute sans doute à une réalisation trop portée sur la dramatisation et le grand-spectacle, qui ne se laisse pas suffisamment de temps pour expliquer ses personnages, développer leur psychologie. En résulte un manque d'attachement dommageable pour les retournements de situation : n'étant pas attaché à l'héroïne, on se dit juste : « ok, bon, et ensuite ? » avant d'enchaîner sans trop tarder.
Pour résumer The Call n’est pas un mauvais film de par son scénario, mais il souffre de beaucoup d’incohérences et de défauts, qui ont fait que j’ai été par moments complètement éjecté d'une histoire au demeurant fort prévisible. Il reste un divertissement plutôt correct, quoique manquant d’ambition pour aller au fond de ses idées, celles-ci manquant souvent d’originalité. À regarder de préférence un soir où l’on ne veut pas trop réfléchir, entre deux bons thrillers coréens (et ce n'est pas ce qui manque !).