Le réalisateur Paul Schrader continue sa plongée dans les tourments de ses héros (et de son pays) traumatisés, avec ce film à la fois minimaliste, beau et ambitieux.
En 2017, on avait quitté Paul Schrader, scénariste de Martin Scorsese sur Taxi Driver, Raging Bull ou À tombeau ouvert, sur le magnifique – mais confidentiel – First Reformed. The Card Counter lui ressemble en de nombreux points, qui caractérisent plus généralement toute la filmographie de Schrader. Très souvent, tant dans ses scénarios que ses mises en scène, Schrader déconstruit les traumas de son pays et de son époque, à travers les (més-)aventures d’un héros solitaire, torturé par ses démons intérieurs et sur le point de libérer ses pulsions sombres enfouies en lui. C’est encore le cas ici où Oscar Isaac incarne William Tell, un ténébreux et talentueux joueur de poker qui écume les casinos après avoir purgé une peine de dix ans en prison. Un jour, il y rencontre de Cirk (Tye Sheridan), un jeune adulte paumé et mû par un seul et unique désir de vengeance. William se met en tête de détourner Cirk de cette quête funest en participant à des tournois prestigieux pour lui financer des études. Cette idée d’offrir une perspective positive semble libérer William de ses démons. Ces derniers ne tarderont pas à resurgir.


Avec un dispositif minimal (trois personnages, une mission) et sa mise en scène d’une sobriété toute calviniste, Paul Schrader dépeint le portrait d’un homme incapable de se libérer de sa prison ou de ses péchés. Son héros est tellement déshumanisé que le purgatoire, qu’il soit en prison ou dans les casinos, est son seul salut. C’est sec, beau et particulièrement pertinent. En filigrane, il y est question des horreurs commises dans la prison d’Abu Ghraib et comment ces actes avilissants empreintent à jamais, tant un personnage que le pays responsable de ces exactions. Le réalisateur excelle à lier le portrait intime avec un discours politique. A ce titre, le principal adversaire de William qui se fait surnommer Mr USA est une trouvaille géniale. La réalisation austère de Schrader se nourrit à merveille de l’atmosphère sonore imposante et métallique composée par Robert Levon Been (membre du groupe de rock Black Rebel Motorcycle Club) et de la performance magnétique d’Oscar Isaac pour accoucher au final d’une œuvre dense, solide et marquante.

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le 11 janv. 2022

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