En Résumé : À voir ! Mais préférez les autres docs d’Epstein si vous devez choisir.


Rob Epstein est un réalisateur important. Important pour les gays, les LGBTQIA+, mais aussi les hétéros cis. Tout le monde quoi ! Il creuse les questions de l’invisibilisation des LGBT, de leur mépris par la société voir leur torture et leur meurtre. Nous lui devons trois documentaires majeurs « Paragraph 175 », « the Celluloid Closet » et « The times of Harvey Milk » (à ne pas confondre avec le biopic « Harvey Milk »).


Malheureusement il y a une erreur dans ce documentaire qui n’est pas digne de son travail. Le premier court-métrage de l’histoire qui serait un court-métrage gay. Le soi-disant « The Gay Brothers ». C’est juste Dickson qui teste le système de caméra mis au point avec Edison et l’on y voit deux mecs qui dansent sur de la musique. Car c’est aussi le premier film avec enregistrement sonore synchronisé.


À l’époque il fallait juste faire preuve de jugeote et de vigilance pour trouver ça douteux. À présent des spécialistes m’ont donné raison, les pages wiki ont d’ailleurs détaillé la polémique et le film s’appelle à présent : The Dickson Experimental Sound Film.


Déjà, c’est moche, par militantisme, de s’inventer des choses pareilles. Ensuite c’est honteux de penser que deux mecs hétéros ne peuvent pas danser ensemble sans être gays. Ou comment on peut porter de l’homophobie acquise, jusque dans un film militant LGBT !!!


Plus grave, cette affirmation non sourcée, et sans queue ni tête pour peu qu’on ait des yeux, continue de se répandre dans les médias sans plus de vérification. Je l’ai vue citée récemment dans un article de Télérama et aussi dans un article en ligne dont j’ai perdu la trace.


Dès lors j’ai eu envie de prendre avec des pincettes ce qui était dit dans le reste du film. Non pas qu’il soit faux, heureusement, mais les extraits ont une part de liberté d’interprétation (hormis certains limpides comme « Rebecca »). Je trouve des exemples parfois plus parlant dans d’autres films que ceux présentés.


Au final, ce film qui m’avait laissé une impression de légèreté et de faiblesse a été plombé par l’erreur sur « The Dickson Experimental Sound Film ».


Je retire néanmoins quelque chose de positif de l’expérience : Le goût de chercher par moi-même la censure – y compris hétérosexuelle – et ses contournements dans les films (La fabuleuse scène du cheval dans « Duck Soup » des Marx Brothers).


Aussi, ce film m’a rendu plus vigilant sur la réalité de l’invisibilisation et c’est sur… Wikipédia que je l’ai trouvée le plus. Le wiki français, bien entendu, qui jure dès qu’on fait des allers-retours avec le wiki anglais. Sans doute à cause d’une tradition académique qui veut invisibiliser la vie privée, surtout si elle est homosexuelle.


J’ai appris grâce au wiki anglais, après un trop grand nombre d’années, que Merce Cunningham et John Cage étaient en couple ! Oui, c’est évident !? Et bien non. Merce ne semblait pas particulièrement homo et ce serait avoir autant de préjugés de forcément les imaginer en couple que de dire que Spielberg et Williams sont forcément ensemble parce que l’un a fait la musique de tous les films de l’autre (ou Elton John et Bernie Taupin)… À partir de là, j’ai découvert que Norman McLaren – que je prenais pour hétéro – était en couple avec son collaborateur (illustrateur/monteur je crois).


C’est comme si on ne vous disait pas que Diego et Frida étaient en couple, ou Cristo et Jean-Claude (c’est une femme malgré le nom :) ). Des gens qui partagent l’œuvre et le travail et qui mènent une œuvre-vie !!! Ou même si ce n’est pas une oeuvre-vie comme Rodin et Claudel.

J’ai trouvé quantité de fiches qui étaient dissonantes entre les versions anglaises et françaises. Parfois il s’agit de ragots comme l’assistant de Boulez (avec un fond de vérité selon des gens du milieu de la musique) et on peut préférer l’attitude française prudente, parfois c’est de l’ordre du criminel comme les exemples cités plus haut.


Je note quand même que depuis quelques années (particulièrement ces deux dernières années), un paquet de fiches française ont évolué et donné les infos LGBT qu’on ne trouvait qu’en anglais (la fiche de Paradjanov encore récemment). Je ne sais pas à quoi c’est dû. Des contributeurs plus jeunes qui ne sont pas dans la logique académique française ancienne ? Une implications des Québécois avec une vue plus anglo-saxonne du problème ? Mais c’est une réalité. Je regrette juste de ne pas avoir fait de copies d’écran pour montrer l’étendue du problème (mais je ne pensais pas disserter sur le sujet).


Finalement, ce documentaire est un bon exercice d’esprit critique et de vigilance qu’on peut appliquer en commençant par lui-même !


Vous pouvez appliquer les même réserves à « Imitation Game » et les légendes autour d’Alan Turing pour commencer (pas que la castration chimique ne soit pas une honte mais l’histoire n’est pas celle que l’on raconte). Mais je digresse. Graisse.


Vu 2 fois

6/10

_

JaiVuTout
6
Écrit par

Créée

le 28 janv. 2025

Critique lue 7 fois

1 j'aime

JaiVuTout

Écrit par

Critique lue 7 fois

1

D'autres avis sur The Celluloid Closet

The Celluloid Closet
Boubakar
7

L'homosexualité à travers les âges.

Ce documentaire était destiné au départ à la télévision américaine, sur HBO. Mais il eut un tel retentissement, après la sortie de Philadelphia, qu'il fut diffusé en salles. C'est dire le mérite de...

le 10 janv. 2019

5 j'aime

2

The Celluloid Closet
LoganSan
8

"Le cinéma serait bien plus drôle et divertissant s'il voulait bien reconnaître la diversité de l'hu

The Celluloid Closet est un documentaire plus qu'intéressant tiré du roman de Vito Russo. Il analyse la représentation de l'homosexualité dans le cinéma (principalement américain). On y découvre...

le 4 oct. 2010

4 j'aime

The Celluloid Closet
JaiVuTout
6

Critique de The Celluloid Closet par JaiVuTout

En Résumé : À voir ! Mais préférez les autres docs d’Epstein si vous devez choisir.Rob Epstein est un réalisateur important. Important pour les gays, les LGBTQIA+, mais aussi les hétéros cis. Tout le...

le 28 janv. 2025

1 j'aime

Du même critique

Jerry Maguire
JaiVuTout
6

Mouaif

- L'avis sans spoil : Pour les fans de Tom Cruise peut-être ? - Je cherchais un film que j'avais vu dans les années 90 et qui parlait d'un mec brillant que tout le monde trahit et abandonne puis qui...

le 14 févr. 2025

3 j'aime

5

La Habanera
JaiVuTout
7

Une bizarrerie inévaluable.

C'est comme découvrir Florence Foster Jenkins ou Yma Sumac (pas pour les même raisons, bien entendu). Est-ce que ça se note ?Coincé dans l'absurdité des modalités de réalisation d'un auteur, d'un...

le 10 févr. 2025

2 j'aime

Peppermint Candy
JaiVuTout
8

C'est comme se prendre un train dans la gueule (sans ironie ni jeu de mot)

L'avis sans spoil : À voir. Et pour ceusses qui trouvent Hou Hsiao-Hsien trop froid et insensible, foncez, vous aurez ici un HHH émotif.À partir d'ici ça spoile un peu, ou beaucoup :Qu'on ait la...

le 7 févr. 2025

2 j'aime