Comment évoquer la genèse de The Climb, premier film indé américain du réalisateur Michael Angelo Covino (qui joue également le rôle de Mike dans le film), sans en faire la comparaison avec un autre film art & essai sorti quasiment en même temps (la semaine précédente) : Madre, de Rodrigo Sorogoyen.
Pour chacun de ces films, on trouve à l’origine du projet un court métrage.
Madre [court métrage] est un film brillant (un de mes courts préférés), réalisé 3 ans avant le long métrage éponyme, et a été nommé aux Oscars dans la catégorie meilleur court métrage en 2019.
The Climb [court métrage] a également été réalisé en 2017, et a quant à lui été présenté au festival de Sundance en 2018. Le court, d’une durée de 8 minutes, est disponible en lien Vimeo depuis la page SensCritique du film. Avis aux amateurs.
D’autres similitudes sont à noter : les deux courts métrages – qui ont servi à convaincre les financiers d’investir dans le développement des longs – constituent les points de départs des deux longs métrages, et leur servent de séquences d’ouverture. Pour Madre, il s’agit de l’appel téléphonique où Elena, le personnage principal, reçoit l’appel à l’aide de son gamin de 6 ans, perdu seul sur une plage de la côte Sud-Ouest, tandis qu’un homme douteux s’approche de lui.
Pour The Climb, c’est celui de l’ascension d’un mont à vélo, où Mike apprend à son meilleur ami Kyle qu’il couche depuis plusieurs mois avec sa fiancée.
Tous deux constituent en outre de vertigineux plans séquences.
Cependant, là où Madre réutilise le court métrage tel quel, la séquence de The Climb a été refilmée pour les besoins du long métrage. Mêmes dialogues, mêmes acteurs, même mise-en-scène, mais transposée sur une route du Sud-Est de la France.
The Climb se place dans un registre tragi-comique qui fait le plus grand bien après les mois de fermeture des salles de cinéma (le film est sorti un mois tout pile après le premier confinement covidesque).
Avant même les premières images, le ton absurde et pince-sans-rire (oui j’ai regardé comment ça s’écrivait sur internet) est donné : on entend deux respirations haletantes, essoufflées, de deux personnes qu’on supporte en plein acte, avant de découvrir les deux amis peinant en montée sur leurs vélos de course.
Ces touches comiques parsèment le film en y apportant une fraîcheur bienvenue. Chaque événement dramatique est ainsi modulé par quelques aspects comiques. Un enterrement donne lieu à une superbe séquence de comédie musicale, des vacances d’hiver au ski à un plaisant ballet sur glace.
Car l’histoire en elle-même n’est pas si drôle et s’égraine de ruptures amoureuses en enterrement, de divorces en dépressions.
La forme du film est également un petit tour de force. The Climb est construit en une succession de plans séquences (chapitrés), chacun disposant de son effet comique et de son élément tragique faisant avancer l’intrigue.
Bien qu’on puisse y voir l’archétype du film indépendant américain, The Climb est extrêmement francophile. Judith Godrèche incarne Ava, la jeune fiancée de Kyle au début du film, une partie de l’intrigue se déroule en France (la scène d’introduction à vélo – qui donne son titre au film – a été tourné près de Nice [j’ai adoré le flamboyant « bonjour » décoché par un peloton de cycliste doublant sans mal nos deux protagonistes en peine], tandis que la séquence au ski est tournée dans une station alpine). Enfin, plusieurs chansons françaises jalonnent le film.
C’est sans doute cette francophilie (et les qualités indéniables du film !) qui ont touché l’équipe de sélection de Cannes – Le film a reçu le Prix du Jury de la compétition Un Certain Regard en 2019 – et le Jury du festival de Deauville qui lui a également décerné son Prix.
The Climb, sous ses airs de bromance tragi-comique, est un film qui fourmille d’idées de mise-en-scène, aux dialogues incisifs et drôles, et à la réalisation extrêmement maîtrisée. Passé un peu inaperçu lors de sa sortie-salle, le film est un vrai plaisir !