Malheureusement ignoré, The Conspiracy s’avère l’un des meilleurs films de l’année 2013. Premier de Christophe McBride, il s’ouvre comme un documentaire, s’offre comme un thriller et évolue vers le found footage, avec une caméra à la première personne. Deux réalisateurs suivent un homme soutenant une théorie complotiste ; il vient à disparaître et les jeunes cinéastes se trouvent en proie au doute. McBride brouille déjà les pistes avec son vrai-faux documentaire, inclut des faits avérés ou des concepts audacieux et vraisemblables, fait se succéder les témoignages d’experts et de l’un des réalisateurs. En même temps, le film poursuit son chemin pour allez là où on l’anticipe, mais jamais de la manière ni avec le sens qu’on aurait redouté, surpassant ainsi nos attentes.
Assez téméraire, The Conspiracy nous amène dans l’univers des théoriciens et chercheurs conspirationnistes. Mais il ne fait pas que l’afficher ou le sonder de loin ; il le pénètre, cède à ses artifices et ses projections. C’est une incursion, en quête de la vérité puis à la poursuite d’une société secrète. La valeur du film est moins politique qu’existentielle, renvoyant à la métaphysique propre à chacun. Et c’est ainsi qu’il cerne et instille au mieux le ressenti complotiste. The Conspiracy nous met dans un angle de vue (mais aussi une condition concrète, matérielle) où la réalité est modelée par une instance supérieure et invisible ; où tout est preuve ; où également, c’est une aberration de se battre contre une fatalité, comme de croire alors qu’on peut approcher voir infiltrer l’antre de la Bête.
En résulte une séance paranoïaque assez exaltante, où on se perd soi-même en spéculations, tout en restant captif du film. Il parvient à faire vivre cette sensation d’être au seuil d’une omniscience terrifiante, dans une vision où nous serions piétinés, mais où pire encore, tout ce qui existe, a été et sera jamais est dérisoire. Et c’est justement l’intérêt des constructions complotistes : elles montrent la réalité telle qu’elle est, avec des protagonistes agissant comme des esprits malfaisants et occultes. Lorsqu’on naît, lorsqu’on est dans la création pure et qu’on refuse de se détacher de sa réalité propre, mais aussi qu’on conserve la capacité à balayer l’environnement et les faits sans céder aux biais collectifs ; on touche au vertige que connaissent les individualistes réels et les complotistes. Ceux qui en fabriquent, ceux qui en voient, ceux qui y sont.
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