Voilà une très bonne approche de la Théorie du Complot. Deux parties, dont la première est très courte mais aussi très originale, nous montrent un marginal et une équipe de cinéastes gravitant autour d'une théorie du complot, évidemment mondiale et pernicieuse. L'approche, le scénario, les personnages et la technique du Found Footage cohabitent avec justesse pour vous offrir un film d'une grande qualité artistique et narrative.
Les choix de photographie se glissent toujours avec beaucoup de subtilité dans le montage. Ils savent se faire oublier pour mettre l'histoire en avant. Les bruitages et l'environnement musical appuient également l'action dans cette optique. J'ai aussi beaucoup apprécié l'aspect esthétique et les références à la mythologie Grecque, à l'Odyssée, pour être précis. Car il y a dans ce Dieu fantasque et oublié une part de Circée et de ses cochons menés à l'abattoir.
Ce marginal, comme il en existe tant d'autres, va introduire le sujet avec justesse et conviction, on aurait presque envie d'adhérer à la thèse. Il nous explique sa vision, son analyse d'une conspiration internationale.
Il sera suivi par une petite équipe de cinéastes enthousiastes, convaincus au départ de trouver dans ce personnage, Terrance, un sujet de documentaire intéressant. Tout d'abord considéré comme un gentil farfelu, il va quand même exposer ses arguments aux deux cinéastes, puis disparaître soudainement. S'en suivra ensuite un jeu du chat et de la souris bien fichu et très poignant. Les deux cinéastes vont finalement adhérer bon gré - mal gré à cette étrange théorie du complot et remonter la piste d'une mystérieuse société secrète. Au fur et à mesure va s'accroître le malaise. Au fil d'indices contestables ou intrigants, et de rencontres inattendues, les deux protagonistes vont se heurter à leurs a priori et leurs propre vision des choses. Et tout est là. Christopher MacBride nous offre une approche constamment balancée entre paranoïa et interprétation.
Car les théories du complot ne tiennent qu'avec des indices fumeux, contestables, intangibles. Ce qui fait la force de ces théorie est précisément leur caractère flou et volatile. Quand on peut réfuter un argument, les adeptes de cette théorie vont le faire rapidement glisser sur un autre, englobant souvent le premier. On n'en sort jamais. Mais dans “The Conspiracy“, la théorie prend forme tout doucement, brique après brique, pour finalement devenir tangible et faire basculer le film dans une véritable chasse à l'homme.
J'ai adoré le mélange des genres. La première partie nous confronte à notre propre vision des marginaux qui crient à la fin du monde. Jusqu'à la chute, qui survient après la disparition mystérieuse de Terrance, le doute est permis et l'ambiance bon-enfant glisse tout doucement vers l'étrange. Lorsque débute la seconde, l'ambiance devient alors plus intense et oppressante, les deux cinéastes s'opposant alors sur les suites à donner à leur enquête. Ce passage du film nous renvoie précisément à notre sensibilité par rapport aux théories du complot et à la crédibilité qu'on est libre d'y offrir, chacun ayant une idée souvent très arrêtée sur la question. Le found footage y est utilisé de manière intelligente, tout en offrant un bon confort de visionnage. Il est de plus totalement crédible, techniquement parlant. Images youtube, matériaux des cinéastes, interviews sur le trottoir... C'est très immersif tout en paraissant réaliste.
Et la deuxième partie profite justement de cette approche, c'est ce qui m'a beaucoup plût. Elle bascule dans l'étrange et le thriller, mais en conservant cette approche intimiste et oppressante. L'ambiance va ainsi crescendo jusqu'aux dernières vient minutes, qui passent d'excellent huis-clos en véritable chasse à l'homme. La fin ouverte du film vient couronner un scénario très réussi par une note d'angoisse et de manipulation supplémentaire.
Brillant !