Pour une Meilleure Combustion Prenez des Sorcières en Carton

Je n'ai objectivement qu'un vague mais plutôt bon souvenir de Dangereuse Alliance (The Craft) le film d'Andrew Fleming sorti en 1996 avec Neve Campbell et cette magnétique petite teigne de Fairuza Balk. The Craft , Les Nouvelles Sorcières est une sorte de remake ou de reboot mais qui se transforme en suite un petit peu gauche si l'on considère les dernières minutes du film. Cette production Blumhouse dont la réalisation est confiée à l'actrice, scénariste, productrice Zoe Lister-Jones est surtout un film fantastique pour gamines de dix ans dont le script semble avoir été cracher par un logiciel formaté aux exigences bien trop polies de son époque.

The Craft - Les Nouvelles Sorcières c'est donc l'histoire de Lily une jeune fille qui accompagne sa mère laquelle s'installe avec un nouveau compagnon. Plutôt introvertie la jeune Lily rencontre trois jeunes filles dans son nouveau lycée qui pratiquent la magie et sont en quête d'une quatrième sorcière. Les quatre sorcières et amies expérimentent leurs pouvoirs tandis que Lily éprouve de plus en plus de doute sur son nouveau beau père.

Je ne vais être d'une grande tendresse pour The Craft - Les Nouvelles Sorcières qui représente absolument tout ce que je déteste et qui commence à devenir une assez triste tendance d'un certain cinéma de genre de ces dernières années. Peu importe qu'on l'envisage sous l'angle de la suite ou du remake ces nouvelles sorcières font bien pâle figure face à leurs glorieuses ainées qui avaient le mérite d'être autrement plus charismatiques et hargneuses. Si Dangereuse Alliance était un film fantastique plutôt soft dans l'ensemble il ressemblerait presque aujourd'hui à un film d'horreur hardcore au regard de cet insipide, innocent et inoffensif film à peine fantastique calibré pour une soirée d'Halloween entre copines d'école primaire. Nos braves sorcières pour qui le summum de la classe serait de ressembler à Kristen Stewart dans Twilight, ce qui en dit assez long sur le public visé, vont alors mettre leur pouvoir au service d'un mélange de girl power post #MeToo afin de remettre en place les gros lourds du lycée tout en prenant des bains de fleurs qui font des paillettes. Du coup le bon gros con de service va devenir un gentil garçon pleinement conscient des difficultés inhérentes de la condition féminine tout en avouant les larmes au yeux débordant d'une nouvelle sensibilité à fleur de peau ses penchants bisexuels. Et nos gentilles petites sorcières vont ainsi venir en aide à un garçon efféminé qui se fait ennuyer dans les couloirs du lycée, faire se cogner la tête à une blonde un peu trop peste, obtenir un bisou d'un garçon et surtout lutter contre la menace du patriarcat triomphant symbolisé tout en nuance et subtilité par le personnage interprété par David Duchovny pour qui seuls les hommes peuvent être par la droiture, la discipline et même le meurtre les gardiens de l'ordre mondial. Devant tant de finesse psychologique et face à cette si subtile opposition entre les femmes de pouvoir qui apaisant le monde à coup de baguette magique et les hommes qui le contraignent par la force et la violence j'ai presque failli me résoudre à l'idée qu'il nous faudrait une femme à la prochaine présidence de la France pour que tout le monde puisse enfin vivre dans le respect, les paillettes et l'amour de l'autre. Et puis fatalement après un twist final tout moisi arrive le grand combat final, le climax de l'intensité dramatique, le point culminant du fantastique, l'Everest de l'antagonisme hommes / femmes avec une pauvre confrontation magique de cinq minutes avec boules d'énergie à la Street Fighter et aura multicolores façon Power Ranger (Force Bleu, Force Rouge..). Un court instant devant tant de bêtise à la prétendue intelligence me sont revenus en tête les paroles d'une chanson de Renaud qui fait " Si ça fait marrer vos lardons / Moi ça m'a carrément gonflé / S'en est fallu d'peu nom de nom / Qu'j'balance ma bière dans la télé / Mais vaut mieux rire de ces crevure / Que d'gaspiller d'la nourriture ".

Je pourrais encore continuer longtemps encore la liste des choses qui m'agace un peu ou beaucoup plus, comme cette fille de la bande de sorcière qui au détour d'un dialogue nous révèle qu'elle est transgenre juste pour cocher une case au registre des minorités visibles , la reprise bien foireuse du dialogue "We Are The Weirdoes...Mister" pour faire du pied aux fans du film original, l'absence totale et absolue du moindre frisson hormis une lamentable tentative de jump scare foireux avec le garçon somnambule dans la chambre de Lily, le manichéisme et la lourdeur pachydermique de l'écriture. Par pure générosité je ne sauverai que l'interprétation globale du film et l'évidente alchimie entre les quatre filles au centre du récit avec toutefois une légère préférence pour les deux comédiennes Gideon Adlon et Lovie Simone.

Pour clarifier un peu les choses avant de conclure, je ne tape pas avec véhémence sur The Craft - Les Nouvelles Sorcières pour sa critique du patriarcat et sa charge ouvertement féministe mais pour la lourdeur, l'opportunisme mercantile, la fadeur et la bêtise crasse de sa démonstration. Quitte à voir des sorcières se venger des hommes je préfère mille fois me refaire Les Sorcières de Zugadramurdi de Alex de la Iglesia autrement plus fun et enragé que cette insipide et gentillette bluette fantastique pour adolescentes.