The Crow
4.3
The Crow

Film de Rupert Sanders (2024)

♪♫ Dîtes-moi qui est ce grand corbeau noir ♪♫

Le masqué a mauvais goût. Ce n'est plus une surprise ici. Car il va oser vous dire qu'il a plutôt apprécié ce The Crow cuvée 2024. C'est même à ça qu'on le reconnaît.

Il savait pourtant que les plumes les plus acérées lui avaient déjà coupé les ailes, à cet oiseau de malheur qui osait tout lui aussi. Mais pour une fois, le masqué a rompu avec ses habitudes en s'aventurant dans la lecture de quelques critiques avant d'accoucher de son billet, de plus en plus difficilement ces temps-ci.

Et au delà de l'unanimité qui faisait bien le nez, souvent suspecte pour lui, c'est de retrouver les mêmes épithètes pour caractériser ce nouveau sérieux candidat à la première place du flop 2024 qui l'a frappé, le masqué.

Ainsi, quand il a lu et relu que l'idylle de The Crow avait tout de la maxi publicité pour parfum, ou encore cette expression de "Dark Sasuke", totalement crétine au passage, il s'est dit que la critique pro se voulant docte et spirituelle était tout simplement en train de sombrer dans la standardisation et le néant en convoquant ce genre de vocables-valise d'un vide de sens abyssal.

Sûr que The Crow a tendance à ne pas faire ce qu'on attend de lui. Par refus de l'obstacle ? Par crainte de se voir systématiquement comparé à un sommet indépassable de la pop culture ? Par inconscience ?

Cette attitude n'est cependant pas nouvelle de la part de Rupert Sanders, qui s'était déjà retrouvé dans une situation étonnamment similaire avec son adaptation du monument de la la japanime Ghost in the Shell en live action.

Car la critique avait beau hurler à la lune, déjà, en 2017, et se faire souffrir en avalant pourtant de son plein gré du verre pilé, l'ami Rupert avait emmené son film vers un autre horizon, parfois passionnant du reste, en questionnant l'identité du Major Kusanagi.

Soit une adaptation irriguée d'une certaine sève, qui peut ne pas plaire à tout le monde, le masqué en convient fort bien, et non un simple portage copié-collé de ce que le public, voire les auto décrétés fans et autres gardiens du temple, attendaient.

Sanders nous refait donc le même coup en 2024. Dans un contre-pied encore plus marqué. Car si le fond du film reste évidemment le même, il jette aux orties une bonne partie de la poésie gothique et mystique d'Alex Proyas pour ancrer sa vision de The Crow dans une réalité plus tangible où la rue se partage entre les laissés pour compte des bas fonds et la richesse des soirées et des appartements de l'élite bourgeoise.

La love story décrite, quant à elle, a pour but de laisser bien plus de place au personnage de Shelly, voulue aujourd'hui plus tourmentée et trouble qu'en 1994. ainsi que pour rendre tangible la passion entre ces deux âmes brisées et les univers de chacun, qui paraîtront cependant un poil stéréotypés pour beaucoup. Si cette idylle marquée par la co-dépendance vous sera donc présentée comme une pub pour parfum, les puristes oublient peut être que Proyas voulait initialement porter plus de moments d'intimité entre Eric et Shelly, avant finalement d'y renoncer en salle de montage.

Cette volonté de nourrir la relation amoureuse mange bien sûr le temps de présence de l'action à l'écran, faite d'empoignades brèves mais sèches, culminant dans un carnage au katana qui, s'il peut paraître hors-sujet, témoigne surtout de la volonté renouvelée de Sanders d'hybrider son travail et d'y apporter un nouveau souffle.

Il y apporte aussi une strate supplémentaire en développant à l'image une idée toute personnelle des limbes pas mal vue qui transcende l'aspect morne de son décor.

Mais surtout, Rupert Sanders redéfinit les causes du retour d'Eric Draven en en changeant légèrement la focale pour rendre la souffrance moins égocentrée. Moins Punisher qu'Orphée, donc in fine, pour mieux convoquer une autre forme de poésie en 2024.

Alors oui, tout n'est pas réussi dans ce nouveau The Crow, comme en témoignent certains choix discutables comme ces tatouages en forme d'héritage du Joker de la Suicide Squad de David Ayer, conspué quasi unanimement par le public.

Mais Sanders ne s'est pas contenté de livrer un bête remake, ou encore un menu best of travesti à ses donneurs d'ordres. Plutôt une réappropriation, comme John McTiernan l'avait fait avant lui avec Rollerball, autre naufrage décrété à l'époque et autre vision personnelle « beautifully broken ». Mais inexplicablement plus fascinante, finalement, que ce qu'a pu proposer Alien Romulus dans un registre voisin...

Behind_the_Mask, qui va sans doute se faire voler dans les plumes.

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le 25 août 2024

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