L'Ange Noir
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le 1 nov. 2014
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Adaptation directe du chef d’œuvre « Un Long Halloween » de John Loeb et Tim Sale, The Dark Knight est réalisé par Christopher Nolan en 2008. Il s’inscrit dans la trilogie du chevalier noir. C’est le deuxième opus.
La scène prend place au milieu du long-métrage, alors que la police fédérale, incarnée par Gordon cherche à interroger le Joker pour savoir où se trouve Harvey Dent. Christopher Nolan découpe la scène en 3 parties distinctes. La première oppose Le Joker et Gordon. La deuxième Le Joker et Batman. Puis Batman s’énerve et on assiste à la troisième partie de la scène. Tout au long de la scène, le réalisateur donne une grande importance à son cadrage et ses mouvements de caméra. Il travaille également la lumière afin d’embellir la scène et de créer une atmosphère. Il sera d’ailleurs sujet de se demander dans cette analyse comment Nolan instaure un climat de tension oppressante dans une scène en somme classique qui, dans la plus grande partie, n’est pas régit par de l’action abrupte et reste plutôt intimiste. Il sera également question d’analyser comment Nolan met en scène une relation aussi complexe que celle de Batman et du Joker.
L’atmosphère angoissante instaurée par Nolan tient d’abord de l’ambiance pesante due au jeu sur les lumières et au cadrage inventif et changeant au long de la scène. La séquence s’ouvre sur l’entrée de Gordon qui vient interroger le Joker. Léger zoom sur le commissaire. Décor minimaliste, une simple lampe posée au bureau fait office de seul éclairage, ou presque. On est donc dans une première partie très sombre. Dans cette première partie, l’éclairage est unidirectionnel et donne une centralité au personnage du Joker. Gordon s’immisce dans l’obscurité comme pour symboliser le fait qu’il s’engage dans un terrain inconnu dont il ne détient pas les ficelles. Quand il rentre, la focale est très longue et le plan large sur le personnage de Gordon appuie également sur le fait que le chef de la police s’engage sur un terrain dangereux qu’il ne connaît pas. Paradoxalement, Gordon est perdu dans cette pièce minimaliste et étroite. Le manque de lumière permet également de mettre en avant le maquillage bluffant du Joker. Ce maquillage est tout écaillé et donc imparfait ; cela correspond parfaitement au personnage du Joker qui prône le chaos et l’anarchie. S’en suit ensuite un champs-contrechamps classique avec des raccords regard, filmé à hauteur d’épaule. L’instabilité du personnage est également marquée par le trouble obsessionnel du comportement, car le Joker sort régulièrement sa langue de manière malsaine. Ceci fait référence au signe distinctif du personnage éponyme de l’homme qui rit de Victor Hugo, dont le Joker est une adaptation directe. Dans son interaction avec Gordon, le Joker l’anarchie, le commissaire se sent impuissant et préfère se retirer en prétextant prendre un café, comme pour dire que le temps n’est pas un problème et qu’il a toute la nuit devant lui s’il le faut.
Gordon sort. Plan très rapide sur le dehors de la pièce pour montrer qu’il y a un observateur ; en l’occurrence : l’équipe de la police fédérale que rejoint Gordon. Montage parallèle et retour direct par un raccord sur la pièce qui s’éclaircit par une lumière blanche très froide et agressive. Batman surgit derrière le Joker et lui claque directement la tête contre la table ; a priori sans grande raison apparente. Je reviendrai sur ce geste plus tard dans l’analyse. Ici, l’éclairage met en avant l’arrivée du justicier qui vient rétablir l’ordre à travers sa venue. Comme à l’accoutumé, Batman est d’abord calme, serein et confiant. Cette confiance est mise en scène par le cadrage, le costume et le montage vis-à-vis du Joker. Lors du champs-contrechamps autour de la table entre les deux personnages, les mouvements de caméra varie en fonction du personnage filmé. Batman est filmé de manière stable, dans un gros plan classique tandis que le Joker est filmé de manière beaucoup plus bancale. Ceci est également la résultante du jeu d’acteur de Heath Ledger qui, dans son incarnation de la folie, joue sur l’instabilité constante du personnage. Donc lorsqu’il est filmé, la caméra tangue et n’arrive pas à suivre parfaitement les mouvements du personnage. D’ailleurs, il sort parfois involontairement du cadre. Le décadrage est signe d’une distorsion. Ce cadrage est également très différent du premier champs-contrechamps. Ici, ce ne sont plus des plans épaules mais plutôt des gros plans visage. Ceci met en exergue la proximité passionnelle entre les deux adversaires. Ceci est d’ailleurs accentué par le fait que tout au long de la scène, seul Batman mettra la main sur le Joker. Le montage joue également un rôle important car les plans sur Batman sont beaucoup plus rapides que les plans sur son antagoniste. La caméra exerce un mouvement rotatif circulaire qui n’est pas sans rappeler le champs-contrechamps à la manière du ring de boxe. Ce choix de mouvement, qui n’apparaît pas dans le premier champs-contrechamps est une nouvelle accentuation de la proximité des personnages. D’ailleurs, le Joker le dira explicitement dans son discours « J’ai besoin de toi, nous ne sommes rien l’un sans l’autre. » Cette relation héros-méchant est l’une des plus intéressante de l’histoire du cinéma. Nolan a sublimé cette relation initialement écrite par John Loeb. Cette relation est d’autant plus intéressante qu’elle est ambivalente. Ambivalente par le nécessaire besoin de complétude de l’un vis-à-vis de l’autre.
Après ce champs-contrechamps Batman s’énerve et envoi le Joker dans le décor. Liaison des deux mondes diégétiques instaurés le temps d’un plan par le biais d’une fenêtre que j’imagine sans teint pour les deux protagonistes. On se rend davantage compte dans cette dernière partie de la froideur de la pièce. Pièce en brique blanche avec de l’éclairage blanc éblouissant qui n’est pas sans rappeler les salles d’abattoirs. Batman agresse le Joker et Gordon met en lui une confiance aveugle « Il contrôle. » L’équipe n’intervient pas immédiatement et Batman a le temps de bloquer la pièce avec une chaise. L’équipe ne peut donc plus intervenir. Puis scène de violence entre les deux personnages. La mise en scène change fatalement puisqu’on est désormais avec une caméra à l’épaule, bien plus adéquat pour filmer les mouvements chorégraphiés des deux comédiens. On est d’abord sur un plan qui met les deux personnages au même niveau spatial, mais très vite Batman prend l’ascendant physique et s’exerce alors une plongée sur le Joker suivi d’une contre-plongée sur Batman. Ceci permet de comprendre le rapport de force déséquilibré entre les deux personnages. Batman semble avoir pris l’ascendant et dominé le Joker. Cependant, ce sentiment de puissance est illusoire et bien mis en exergue par le Joker qui rétorque : « Tu n’as aucun moyen de me faire peur, toute ta force est superflu. »
Je conclurai sur cette dernière analyse, le rapport de force mis en scène entre le Joker et Batman. Ce dernier use de la force physique pour tenter de maîtriser son adversaire, mais il n’en résulte quasiment rien. J’avais, plus tôt, mis en suspens la violence volontaire et gratuite de Batman au tout début de la séquence. Pour y revenir, et personnellement, j’y vois ici une analogie au rapport de force de la puissance hégémonique américaine qui confronte le Moyen-Orient. Sur le papier et dans la forme, la confrontation est déséquilibrée et clairement à l’avantage des américains, mais sur le terrain, la situation est tout autre. J’ai en tête, et pour exemple, les attentats du 11 septembre 2001 qui ont ébranlé de manière totale la stabilité de la première puissance mondiale. Dans cette séquence, Nolan joue également sur ce rapport de force illusoire qui semble à première vue à l’avantage de Batman mais qui en fait est bien plus complexe. Par sa gestion du chaos, le Joker arrive à faire douter toute la force d’une équipe fédérale surentrainée et d’un justicier messianique et omniscient. Cette séquence doit son sublime à ce personnage génial qui est magnifiquement interprété par le défunt Heath Ledger qui a eu ici et à mon humble avis, le rôle de sa vie.
Paul-Arthur
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Créée
le 14 févr. 2020
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