« Le héros peut être en chacun, même en celui qui fait une chose aussi simple et rassurante que mettre un manteau sur les épaules d’un garçon et ainsi lui faire comprendre que le monde ne s’est pas écroulé. »
Qui pourrait donc croire que ce vieillard, canne à la main, barbe hirsute mal agencée et en robe de chambre est le Batman. As-t-on déjà vu héros aussi dépareillé ? Un héros tombé si bas que même son genou vient à faiblir devant la tâche, faiblir devant la chasse que Gotham s’est entachée de réussir : pourchasser le Batman car il peut l’endurer, parce qu’il est et restera le héros que Gotham mérite.
Aborder la conclusion de Batman, c’était en 2012 impossible, pour moi ça l’était. Pourquoi ce Batman là devait-il déjà nous quitter ? Pourquoi après le niveau que ce Batman avait atteint devait-il disparaitre après si peu de temps passé à l’admirer ? Il était difficile de concevoir cette fin, comment Nolan allait conclure, qu’allait-il proposer pour terminer ce Batman ?
On le sait désormais, ce Batman en a déçu plus d’un. Déçu parce qu’il passait derrière le monument qu’était Le Chevalier Noir. Déçu aussi parce que ce Rises ne transporte pas autant que son prédécesseur, déçu parce que Bane n’est pas le Joker, déçu parce que Marion Cotillard fait terriblement tâche dans ce casting, déçu parce qu’évidemment, on attendait tous un final à la hauteur de ce que Batman avait pu être. Ce petit paragraphe permet en passant de souligner les petits défauts de cet opus sans avoir à les éluder plus longuement.
Avait-on (avais-je) raison d’être déçu ? Non, clairement non. A la réflexion, avec les années, ce Rises est la fin qu’il fallait, car dans son essence même, Rises est le destin de Batman, c’est son ultime acte, son ultime sacrifice pour une ville qui, enfin, rend hommage à son plus grand protecteur. Je vais donc faire amende honorable et défendre cette conclusion épique qu’est Batman - The Dark Knight Rises.
« Je suis l’expiation de Gotham ».
Bane n'est pas Le Joker. Mais Bane n’est pas non plus un méchant dépourvue de qualité et de machiavélisme. La preuve, il dégage une telle puissance que le Batman est obligé de redevenir Batman. Il doit sacrifier son sacrifice pour Gotham pour revenir une dernière fois, au mépris de tous, sauver sa ville. D’ailleurs on peut voir que Nolan propose un tout autre Gotham que dans le passé, un Gotham plus populaire, moins moderne, beaucoup plus proche de la terre.
Même son second père ne suit plus Bruce. Batman revient d’où il était parti : misérable, seul, affaiblit par son histoire. Commence alors une longue reconquête de sa gloire. Une gloire fracassée par la puissance terrifiante de Bane qui ne lui laisse aucun droit à l’erreur. C’est là où Bane dépasse en quelque sorte le Joker, il veut expier Gotham mais il veut aussi détruire le Batman, le détruire en lui faisant voir son échec. Interprété par le désormais reconnu Tom Hardy, ce Bane à la voix si particulière aura certainement rendu presque la pareil au Joker (je dis bien presque).
Nous n’avons pas le droit d’être déçu car ce Rises est construit comme le précédent : minutieusement. Nolan arrive encore une fois à faire monter la tension secondes par secondes sans jamais se perdre dans les méandres de l’ennui. Petit à petit, Bane prend sa place pendant que Batman la perd. Petit à petit Gotham sombre à nouveau dans le chaos, le plus grand que la ville n’est jamais connu. Car pour la première fois, Batman est exilé, loin, il n’a même plus son masque et son costume. Il est détruit. Mais pas mort.
Dans un film en deux parties, Nolan commence en introduisant une nouvelle fois son méchant dés la scène d’ouverture pour le faire monter jusqu’à ce qu’il prenne le pouvoir. Le dos de Bruce Wayne craque, Gotham a perdu son prophète noir. Ensuite, dans une seconde partie épique, Bruce Wayne alors au fond du trou (dans tous les sens du terme) doit remonter, marche par marche, pour aller au bout de sa destinée : sauver Gotham.
D’ailleurs la partie dans cette prison, stylisé par un Nolan pas avare de détail, montre toute la solitude et les tourments d’un héros plus qu’humain. Christian Bale montre encore une fois que lui seul pouvait être ce Batman. Sa renaissance, accompagné d’une BO et d’une scène magnifique, montre toute la maitrise de Nolan dans la mise en scène. S’en suit une scène de guérilla civile rappelant d’une certaine manière le carnage de Gangs of New York. Transporté par le retour de son idole, Gotham se rebelle contre l’envahisseur.
Une nouvelle fois on ne compte pas le nombre de scène construite avec minutie par Nolan, ce terminus de Batman est une nouvelle fois un plaisir pour les yeux et les oreilles. Il n’est pas que bien construit, il est beau, unique, incomparable. Un Batman qui revendique une identité. La Batmobile fait toujours ce bruit si particulier, Bane apporte un argument nouveau avec cette voix raisonnante. Mais c’est aussi Selina Kyle qui vient apporté son plus ici. Anne Hathaway reprend ce côté allumeuse, charmeuse et sensible de Catwoman qui complète avec plaisir la dureté de ces hommes si vengeur.
Nolan réutilise aussi parfaitement l’ascenseur tensiomètrique : les histoires se fusionnent pour apporter un final de feu, où les différentes parties se succèdent à l’écran pour ne former qu’une finalement. On retrouve cela dans quasiment tous ces films (The Dark Knight, Inception et plus récemment Interstellar). Un même postulat temporel abritant une multitude d’histoires imbriquées dans une même logique et dans un même but de survie mais chacun y trouve son dessein.
Dans ce florilège de dessein, Selina devient un élément essentiel de la destinée de Bruce. L’histoire d’amour évidente passe pourtant au second plan, car Nolan ne veut pas s’y attaché.
Comme une boucle temporel, Alfred avait à la fois tort et raison : cette quête sera la dernière mais Batman n’y aura pas donner sa vie.
Je trouve que Nolan finit très humainement sa trilogie, Bruce Wayne est devenue l’homme qu’Alfred voulait qu’il soit. Un homme tout simplement. Même si pour cela il doit porter un masque.
C’est ce qui est riche dans l’oeuvre de Nolan, où est vraiment le masque ? Est-ce Bruce Wayne ou Batman qui est le masque ? L’un et l’autre son mutuellement nécessaire, qui a besoin de l’autre ? Nolan cultive sans cesse ambiguïté et c’est dans cet opus qu’il le fait avec le plus d’aboutissement.
Ainsi dans un final haletant long de deux heures et cinquante minutes, Nolan conclut sa trilogie en y mettant un souffle épique rare. Habité d’une puissance vengeresse, plus mouvementé mais moins violent que son prédécesseur, Nolan finalise la déconstruction de son Batman. Hans Zimmer livre en plus la BO la plus aboutit de la trilogie : absolument épique tout du long elle épouse parfaitement le ton foncièrement vengeur de ce Rises. Allant quelque peu questionner la loyauté, la foi et la vengeance, ce Rises est le final adéquate quoiqu’on en dise. Il est difficile d’imaginer une autre fin, une autre histoire possible, c’est ce qui me fait dire que ce Rises est la dernière pierre à l’édifice Nolanien. Peut-être qu’il ne soutient pas la comparaison avec The Dark Knight, c’est même sur, mais Rises reste un film de grande qualité, épique, émotionnellement fort et visuellement impressionnant. Une forme de quête pour la liberté.
Cette trilogie restera certainement comme une des plus grandes dans son genre. En tout cas, elle marque par son unicité. Aucune ne l’égale, aucune ne soutient la comparaison. Le plus grand défi sera certainement de passer après Nolan, après ce Batman. Le défi de Zack Snyder et de Ben Affleck est donc immense…voir peut-être insurmontable.