Simon Stone remet au goût du jour, le livre de Henrik Ibsen "Le canard sauvage”,1884, adapté au théâtre en 1885. Etonnant film qui nous emmène a priori dans une intrigue à la limite de l'ennui, de vies mornes dans une petite ville désolée, et qui pourtant réserve crescendo son aspect dramatique.
Une mise en scène lente, parfois silencieuse, optant souvent pour des enchevêtrements de plans et de dialogues, nous projetant d'une scène à l'autre, apporte le rythme et reste prenant, et malgré le manque d'action ou de grandes envolées, assure son suspense. Une sorte de curiosité bien menée servie par la musique de Mark Bradshaw (Bright Star) qui se fond particulièrement bien à cette ambiance d'apparence calme. Quelques changements de rythme musical amènera la violence des échanges dans des ambiances parfois trompeuses, renforcées par de belles couleurs, sombres, blafardes ou lumineuses pour appuyer les ambiances.
Christian retourne pour l'occasion du remariage de son père, dans la petite ville de son enfance. Il croisera ceux qu'il avait quitté. Fils malheureux, faible par son impuissance à gérer sa vie, il n'avance pas et reste ancré dans son passé et ses drames oubliés de tous (?). A l'inverse de son ami, Oliver, bientôt licencié mais heureux, aujourd'hui marié, père d'une jeune fille. L'ami revenu rafflera tout sur son passage.
Les deux portraits sont assez saisissants, Christian sera l'élément déclencheur d'une catastrophe annoncée, balayant tous les non-dits. Les dialogues et les apparences sont renforcés par les jeux de caméra, parfois étouffants, mettant en valeur le visage inquiétant de Christian et apportent ces petits détails qui retranscrivent si bien la capacité des uns et des autres à appréhender leur existence. L'homme fermé, anxieux et anxiogène, à Oliver, l'homme tranquille et solidaire, et sa capacité à rebondir, en passant par ceux qui gravitent autour, l'intrigue montre finement la frustration et ses conséquences. Tranches de vie banales, regrets du temps qui passe et des pertes, crise d'adolescence et rapports avortés avant même qu'ils ne démarrent. Des êtres qui se laissent porter mais qui semblent ne tenir qu'à un fil, où tous naviguent un peu à vue, pour ne pas perdre le bonheur acquis ou son semblant. Un sentiment de flottement et une certaine lourdeur malsaine, appuient tout l'égoïsme que pointe le drame et apporte une résolution qui se heurte à l'émotion.
Les acteurs Jeffrey Rush, Sam Neil, Miranda Otto toujours à l'air légèrement inquiétant, Paul Schneider et Ewen Leslie, sont tous justes.