The boring dead
Après les vampires, les morts-vivants donc. Jim Jarmusch continue à revisiter genres et mythes populaires avec sa nonchalance habituelle, mais la magie ne prend plus, soudain elle manque, soudain il...
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le 15 mai 2019
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Devoir de fidélité ? Désireux de voir le tapis rouge foulé par une brochette de stars internationales ? Le choix d’ouvrir cette 72e édition du Festival International du Film de Cannes par The Dead Don’t Die ne s’explique en tout cas pas par la qualité du film, qui ne parvient jamais à justifier sa présence en compétition. Retour sur le dernier film de Jim Jarmush qui, à force de faire mine de ne pas y toucher et de regarder les genres qu’il aborde de haut, finit par sérieusement tourner en rond.
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Ce n’est pas la première fois que Jarmush nous fait le coup : sur le papier, il y a tout pour titiller notre curiosité. Après les vampires dans Only Lovers Left Alive, le voilà qui s’attaque donc au film de zombies. L’argument est on ne peut plus simple : suite à un dérèglement de la rotation terrestre, les morts se réveillent pour attaquer les vivants. L’action de The Dead Don’t Die se déroule exclusivement dans la petite ville de Centerville. Alors que le récit s’articule principalement autour de trois flics (Bill Murray, Adam Driver, Chloë Sevigny), de nombreuses autres figures viennent diversifier les points de vue. On retrouve ainsi Tilda Swinton en embaumeuse samouraï, Steve Buscemi en support de Trump forcément idiot, Iggy Pop en zombie, Selena Gomez en adolescente insouciante, Tom Waits en ermite, et beaucoup d’autres.
Ne parvenant jamais à donner une cohérence d’ensemble à son film, Jarmush trahit presque instantanément sa volonté de s’amuser avec ses copains. Et pour cause, parmi tous les noms cités ci-dessus, peu sont ceux qui jouissent d’un rôle véritablement consistant et donc utile. On pardonnerait volontiers au cinéaste la superficialité de son casting généreux si son film avait la décence de nous soumettre une véritable proposition. Or, ce n’est absolument jamais le cas. Plus que jamais figé dans sa posture arty-dandy condescendant, Jarmush observe le genre de haut et se condamne à la position méta la plus stérile qui soit.
Post-moderne à en crever, The Dead Don’t Die regorge de « gags » autoréférentiels. Lorsque les deux flics incarnés par Bill Murray et Adam Driver écoutent la radio dans leur voiture, ils entendent la chanson « The Dead Don’t Die », composée et interprétée pour l’occasion par Sturgill Simpson. Une manière comme une autre de justifier le titre du métrage, pourrions-nous penser. Oui, jusqu’au moment où l’un d’eux s’étonne de reconnaître le morceau avant que l’autre ne lui réponde que « c’est normal, puisque c’est la chanson du film ». Pointant au degré zéro de l’humour méta, cette posture ne cesse de s’intensifier jusqu’à toucher le fond, lorsqu’Adam Driver sort un porte-clés Star Wars et que quelqu’un lui fait la remarque (l’interprète de Kylo Ren qui possède un produit dérivé de la franchise dans un autre film, c’est drôle hein ?). Bien décidé à creuser, Jarmush enfonce le clou lorsque Bill Murray (finalement, pourquoi les appeler par le nom de leurs personnages ?) demande à Adam Driver comment il pouvait savoir dès le début que ça « finirait mal » et que ce dernier lui répond « Jim m’avait fait lire le script ». Sommet de la désinvolture, ce ton est encore intensifié par la direction d’acteurs. À croire que le mot d’ordre sur le plateau était « Joue comme si tu n’en avais rien à foutre ! ». La consigne a été respectée à la lettre. Jamais concernés par les situations qu’ils rencontrent, les membres du casting parachèvent cette grande entreprise de désincarnation.
Et les zombies dans tout ça ? Aucun intérêt. Non seulement Jarmush nous fait bien comprendre que le genre ne l’intéresse pas, le traitant par-dessus la jambe et s’autorisant au passage quelques tacles faciles aux classiques, mais il le réduit à ses poncifs les plus éculés. Parce que les morts répètent en boucle des termes comme « Wifi », « Siri » ou « Nike », nous devrions voir en The Dead Don’t Die une grande dénonciation de la société de consommation. Nous en ririons de bon cœur si nous n’étions pas autant agacés.
Créée
le 20 mai 2019
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