Ce cinquième long métrage d'Alexander Payne est à la fois l'histoire d'un deuil imminent -un deuil dont l'amertume est accentuée par la révélation inattendue de l'infidélité de l'être qui va mourir- et le récit de l'abandon d'un trésor naturel à l'avidité des promoteurs immobiliers. The descendants se déploie ainsi autour de deux centres de gravité, deux malades en sursis, Elizabeth qui s'étiole lentement dans une chambre d'hôpital, et la baie émeraude et turquoise de Kauai menacée par ce que l'on appelle la civilisation. Cependant, si la première est condamnée presque dès le début, le doute plane sur le sort de l'éden déjà en partie rongé par le béton. Un espoir subsiste en effet que ce lambeau de paradis échappe in fine à l'urbanisation. Une dimension qui empêche le film de baigner dans une nostalgie trop pesante. L'atmosphère de The descendants est en fait à l'image du ciel gris perle et ouaté d'Hawaii à la saison des pluies (magnifiquement photographiée par Phedon Papamichael, déjà chef opérateur sur Sideways ) : elle se teinte souvent de désenchantement. Toutefois, grâce à la force tranquille de George Clooney, ce sentiment apparaît souvent plus doux que désespéré.

Côté mise en scène, Alexander Payne ne fait pas dans le tape-à-l'œil, mais propose quelques effets élégants, comme celui où l'on voit Matt se rendant au chevet de sa femme. La caméra, qui le suit en plongée à 180° dans les escaliers de l'hôpital, offre une belle perspective géométrique. L'impression d'écrasement renforce en outre le poids de l'annonce que fait en voix-off le médecin sur l'irréversibilité de l'état d'Elizabeth.

Le cinéaste excelle également à brosser le caractère de ses personnages. Il réussit ainsi à rendre parfaitement crédible la banalité de George Clonney. On saluera d'ailleurs au passage la performance de l'acteur, qui se fond dans ce rôle aux antipodes de son image glamour avec le même talent qu'il interprétait le demeuré Ulysses Everett McGill dans O'Brother, des frères Coen. La réussite du film lui doit beaucoup.

Payne compose également avec beaucoup de finesse la figure du père d'Elizabeth, incarné par un Robert Forster -Max Cherry dans Jackie Brown, Arthur Petrelli dans Heroes, Ray Archer dans la nouvelle série de JJ Abrams, Alcatraz- d'une dureté qui laisse entrevoir bien des failles. A leurs côtés, on retiendra deux jeunes actrices admirables, Amara Miller, qui rend bien compte de la difficulté de Scottie à envisager le deuil, et Shailene Woodley, parfaite en adolescente partagée entre révolte contre l'inconduite de sa mère -voir la scène assez violente où elle s'adresse à elle alors qu'elle est dans le coma- et chagrin. Face à eux, je signalerai aussi la composition de Nick Krause, dont le personnage n'aurait pu être qu'un dérivatif burlesque au drame. Payne réussit cependant à le rendre infiniment plus complexe que ne le laissent envisager son visage lunaire et son expression niaise...

Sans être transcendant, The descendant (notez la belle rime) est un joli film, sensible, sans pour autant sombrer dans un pathos excessif, malgré son sujet. A découvrir...
ChristopheL1
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le 16 févr. 2012

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ChristopheL1

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