Le beau mariage.Angleterre,1774,Georgiana Spencer,aristocrate de 17 ans,épouse William Cavendish,duc de Devonshire.C'est un mariage arrangé entre le duc et la mère de son épouse,comme ça se faisait à l'époque.Mauvaise pioche pour la jeune femme,qui va découvrir un homme sinistre,Cavendish n'a pas la banane,rustre,quasiment mutique,froid sauf quand il s'agit de sauter tout ce qui bouge,et plus préoccupé de ses chiens que de son épouse.Le mec,richissime pair du royaume,s'est marié pour assurer sa descendance et va prendre Georgiana en grippe car elle ne pond que des filles.Ils en auront deux avant qu'un garçon ne naisse enfin.Ouf!C'est produit par BBC Films,associé à Pathé,ce qui explique sans doute l'académisme de cette longue biographie dépourvue de ressort.Le réalisateur Saul Dibb et ses scénaristes Jeffrey Hatcher et Anders Thomas Jensen,qui adaptent une bio signée Amanda Foreman,n'arrivent jamais à dépasser la dimension illustrative tout au long de ce mélo aux accents progressistes.Certes c'est beau,l'image est léchée et les décors somptueux sont de sortie,de châteaux en palais il ne manque aucun meuble ou objet d'époque,aucun costume luxueux,aucun larbin au garde-à-vous,aucune pelouse verdoyante,aucun jardin magnifique taillé au cordeau.En dépit de cet environnement enviable,la pauvre Georgie va vivre un enfer,son existence étant une interminable suite d'humiliations infligées par ce butor de William.Il faut dire que c'est une histoire vraie,la duchesse étant même une ancêtre de Lady Di,née Spencer,et aussi de Sarah Ferguson,qui fut l'épouse du prince Andrew.D'ailleurs,quand on voit comment Diana chouinait,il y a de quoi se marrer si on compare sa vie à celle de son aïeule.Autres temps,autres moeurs,et ça rigolait moyen pour les gonzesses au 18e Siècle.Les hommes avaient tous les droits,et les femmes aucun,c'était le bon temps.La mère von der Leyen ne l'aurait pas ramenée à l'époque,Helmut l'aurait envoyée fissa à la cuisine brasser la choucroute!Bizarrement Georgiana s'est imposée comme une figure de son temps,entre mondanités et politique,son époux lui laissant une certaine latitude,dans les limites qu'il fixait.Mais que d'avanies pour la pauvrette!Unie très jeune à ce type plus vieux qui la prend comme un soudard dans le seul but de procréer,trompée ouvertement,obligée d'élever la petite fille que son mari a précédemment fait à une domestique,trahie par sa meilleure amie qu'elle a recueillie et qui couche avec Willy,devant supporter les trois mômes d'icelle,des garçons pour le coup,contrainte à un ménage à trois,soumise aux viols et au chantage du duc,séparée de son amant et de la fille qu'ils ont eue,n'en jetez plus on va pleurer si ça continue.Ou plutôt non,et c'est bien le problème car malgré ce pénible chemin de croix subi par l'héroïne on n'éprouve jamais d'empathie pour elle tant la mise en scène figée nous laisse à l'extérieur de l'histoire.On compatit évidemment,mais par principe,sans être réellement impliqué.Et puis la résignation générale n'aide pas non plus à s'identifier.Tout est très factuel et les personnages paraissent tous se conformer aux rôles sociaux qui leur sont assignés,y compris Georgiana.Elevée et formatée selon les codes rigides de l'aristocratie anglaise d'alors,elle trouve normal d'être mariée sans qu'on lui demande à aucun moment son avis et sur des critères financiers,avec pour mission de donner un héritier au duc,sa mère jouant le rôle de la maquerelle avisée en promettant à William que sa fille lui fera un fils,ce qui provoquera l'agacement du bonhomme en voyant débarquer des pisseuses,comme si ça dépendait de la volonté de son épouse!Ils étaient un peu barges,ces aristos!Georgie essaiera bien de se révolter de temps à autre,surtout lorsqu'elle tombera amoureuse du jeune politicien Charles Grey,mais son mari saura par la menace la maintenir en laisse.Le propos sous-tendant cette histoire semble destiné à justifier les dérives progressistes actuelles,du style "OK,on y va un peu fort avec le woke et la Cancel Culture,mais regardez comme ces salauds de l'Ancien Régime étaient méchants avec les femmes,les pauvres,les gauchistes et les homosexuels,c'est normal qu'il y ait un retour de bâton".Bizarrerie du show,William soutient le parti Whig,les travaillistes de l'époque,ce qui ne laisse pas d'étonner de la part de ce gars qui représente la quintessence du réac arrogant et méprisant.Peut-être était-ce une posture dans la mesure où en réalité il se fout de la politique,qui l'ennuie prodigieusement.Keira Knightley,décidément destinée aux films en costumes,n'arrive guère à transcender son personnage de victime douloureuse et grimace un peu trop.Ralph Fiennes par contre parvient à rendre non pas sympathique,faut pas exagérer non plus,mais sauvable cet enfoiré de Willy,presque émouvant dans les moments où il tente désespérément de faire preuve d'humanité,un truc auquel il n'a visiblement jamais été préparé.Charlotte Rampling est très bien en mère indigne uniquement préoccupée de convenances et de business,quitte à sacrifier sa fille pour ça.Dominic Cooper confirme qu'il est une tanche et a l'air d'un véritable abruti en amant politicien qui deviendra malgré tout premier ministre.Hayley Atwell,juste avant de passer chez Marvel pour y devenir l'agent Carter,est moche et éteinte en maîtresse déchirée entre amitié et intérêt.