Un tableau touchant
Sans aller jusqu'à prétendre que The Duke s'inscrit glorieusement dans la lignée des grandes comédies britanniques, on peut aisément concéder au film de ne pas avoir trahi la tradition, avec une...
le 8 sept. 2021
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‘The Duke’ est ce que peut fournir de mieux le cinéma d’anglais. Le film est un mélange de la comédie à l’anglaise dans ce qu’elle a de mieux et le cinéma social, entre anarchisme et classicisme à la fois élégante et féroce. Roger Michell réussit une comédie rythmée et drôle qui vous procurera un immense plaisir.
En 1961, Kempton Bunton, un chauffeur de taxi sexagénaire, vole à la National Gallery de Londres le portrait du Duc de Wellington peint par Goya. Il envoie alors des notes de rançon, menaçant de ne rendre le tableau qu’à condition que le gouvernement rende l’accès à la télévision gratuit pour les personnes âgées. Cette histoire vraie raconte comment un inoffensif retraité s’est vu recherché par toutes les polices de Grande Bretagne, accomplissant le premier et seul vol dans l’histoire du musée.
Roger Michell est un réalisateur ‘qualité anglaise’ comme François Truffaut parlait de film ‘qualité française’. Rappelons qu’il a réalisé le classique ‘Coup de foudre à Nothing Hill’ et une comédie méconnue pourtant très bien ‘Week-end royal’. Ce ne sont pas des chefs-d’œuvre mais plutôt des films de scénarios laissant une grande liberté aux numéros d’acteurs. Ici, Roger Michell a trouvé une histoire vraie et édifiante. Celle d’une famille de la classe ouvrière dont le patriarche vieux schnock vole un chef-d’œuvre de Goya. Evidemment, le contraste est saisissant.
La bonne idée de Roger Michell est de ne pas avoir fait une comédie grasse du genre ‘Fuck-le-system’. L’ensemble est plus fin, plus sensible. Car à l’humour très british, se cache une histoire familiale triste expliquant entre autres l’originalité de cette famille. Mais ce que j’ai particulièrement aimé, c’est l’habile mélange entre l’humour et un aspect social très prononcé à la Ken Loach (comparaison n’étant pas raison, bien sûr). On voit très bien la vie de cette classe ouvrière, les fins de mois difficiles, les jobes ingrats. Jamais, le sexagénaire n’est fait pour un seul de ses travaux. Voire la scène dans laquelle il conduit et saoule de son inarrêtable conversation un vieux client.
L’aspect le plus drôle du film est bien sur l’esprit de moquerie bienveillante avec lequel le réalisateur observe cet anar british. Entre amusement et tendresse. Et Kempton est près à aller très loin. Par exemple, débrancher la bobine BBC pour ne plus la capter et ainsi ne plus payer la redevance télé qu’il trouve injuste, il peut le faire. Se faire virer pour avoir défendu un collègue pakistanais victime d’une discrimination, il en est capable. Voler un tableau au péril de sa vie et au risque de faire éclater sa famille, bien sur que c’est dans ses cordes. Evidemment, Michell se moque de ce radicalisme quoiqu’il en coûte (pour reprendre une expression à la mode !). Mais encore une fois, avec élégance et bienveillance.
L’interprétation des acteurs est très british, c’est-à-dire irréprochable. Jim Broadbent, surtout vu dans des seconds rôles, tient ici son rôle de manière remarquable. Son physique frêle évidemment contraste avec le tempérament enflammé et inflammable de son personnage. Helen Mirren est irréprochable, comme d’habitude, en working lady. Il n’y a que les Anglais pour savoir aussi bien maîtriser et jouer les accents et surtout l’accent de la classe ouvrière du centre de l’Angleterre.
‘The Duke’ est une comédie douce-amère très réussie. L'ensemble est délicieusement désuet, comme peuvent l'être les anglais. C’est ce qui m’a fait le plus rire depuis un certain temps. Les comédies françaises ont du souci à se faire.
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le 27 avr. 2022
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