– Tu es en retard.
C’est par ces mots que commencent The Duke of Burgundy, le film le plus étrange de l’année. Une femme dans la forêt, contemple un ruisseau, et rejoint son emploi de bonne à tout faire dans une maison où sa patronne autoritaire l’attend : You are late. Tout cela se passe dans un pays indéterminé, et une époque tout aussi indéterminée, peut-être le début des années 80, peut-être la Hongrie. Cette étrangeté est évidemment voulue, planifiée, entretenue par le réalisateur (Peter Strickland insérant à plusieurs reprises des « anomalies » qui déstabilisent volontairement le spectateur). Elle est fondamentale, en ce qu’elle force le spectateur à décrocher de toute velléité rationnalisante.
You are late. Ce mantra, répété à plusieurs reprises, annonce en fait le rituel sadomasochiste qui lie ces deux femmes, celle du ruisseau et sa patronne, lépidoptériste spécialiste des papillons Duc de Bourgogne. Une relation tendue, entre dominant et dominé.
Ce qui pourrait un mauvais film érotique sur M6 est en fait totalement sublimé par la mise en scène et la déco, les costumes (et la lingerie !) vintage. Ses deux actrices sont volontairement un peu âgées, d’un physique très commun, et évidemment cela renforce le réalisme et la tension sexuelle du film, qui n’a finalement pas grand’chose d’érotique*.
Car le propos de Peter Strickland n’est pas là. Il pose au contraire un regard d’entomologiste sur ces deux femmes, coincé comme deux papillons dans un rite sexuel étrange. Deux insectes qui cherchent à se reproduire et ne se trouvent pas… Avec ce Duke of Burgundy, on flirte entre David Lynch et le cinéma psychédéliques des années 70, le More de Barbet Schroeder ou les interrogations métaphysiques d’un Antonioni, période Zabriskie Point ou Profession Reporter.
Du grand cinéma, donc.
- Alors que la bande annonce, si. Elle est là pour faire « désirer » le film….
cinefast