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"The Fabelmans "

Chronique familiale d'un génie annoncé...


A la fin de "West side Story", Spielberg dédiait sobrement son film à son père qui venait de disparaitre... Aujourd'hui, comme voulant faire la paix avec son passé, il nous livre un film autobiographique où il nous parle de lui mais avec une pudeur et une retenue qui rendent son propos encore plus émouvant. Il nous parle de sa famille, de son enfance ballotée au gré du travail de son père, d'antisémitisme et surtout de la naissance de sa vocation pour le septième art.


Une vocation qui naît le jour où il voit son premier film au cinéma :"Sous le plus grand chapiteau du monde". Entouré de ses parents, ses yeux sont émerveillés par ce qu'il se passe sur l'écran, en particulier le déraillement d'un train. Ce sera le début d'une passion que sa mère va immédiatement identifier en lui faisant filmer avec la caméra de son père les images qui le marquent... "Les films sont des rêves que l'on oublie jamais" dit elle à son fils ...

Elle, qui se définit comme étant dans le camps des arts (elle était pianiste de formation) alors que Burt son mari est clairement un scientifique génial qui ne voit qu'un hobby dans la passion de Sammy...


La caméra lui servira d'abord à exorciser ses peurs puis, ensuite, à mettre en scène ses parents , ses trois soeurs mais également le meilleur ami de la famille que les enfants finissent par appeler Oncle Benny et qui semble tant attaché à sa mère... Les films vont aussi lui apprendre ce qu'il y a derrière les images et qui peut faire souffrir...


Sa mère, Mitzi (Michelle Williams, bouleversante) est une femme lumineuse, extravertie mais qui semble déchirée intérieurement ... Peut être le plus beau rôle féminin de la filmographie de Spielberg à ce jour ...

Le réalisateur la filme avec un amour infini... Comme dans cette scène où elle se met à danser devant les phares d'une voiture et qui subjugue tous les présents ainsi que les spectateurs. Elle est comme un ange filmé en ombre chinoise.

Comment ne pas penser à "Empire du soleil" et à ce moment où Jamie rentrant chez lui après avoir déambulé dans les rues de Shanghaï à la recherche de ses parents voit une personne jouer du piano pensant que c'est sa mère. Filmée dans la transparence, le spectateur pense aussi que... Mais non... L'illusion d'une réalité qui n'en est pas une...


Ou cette autre où elle emmène en voiture ses enfants à la poursuite d'une tornade. La frénésie et la soudaineté évoquent ce moment où Ray dans "La guerre des mondes" fuit avec ses enfants la tempête qui le poursuit ... Mitzi fuit elle aussi ... Mais ses sentiments pour Benny...


Son père (excellent Royal Dano) est un homme plus réservé mais follement amoureux de sa femme. Il est ce père d'abord incompris puis admiré et admirable par le sacrifice qu'il finit par consentir (le même que le père dans "Arrête moi si tu peux")...


Œuvre cinéphile et terriblement personnelle, "The Fabelmans" projette une lumière nouvelle sur la filmographie du cinéaste...

Sammy est comme Frank Abagnale dans "Arrête moi si tu peux"(encore...): un enfant qui souffre en silence, d'une déchirure familiale annoncée et qui s'invente une vie pour y échapper...


Son "cinéma" va l'aider à voir cette vérité qui est pourtant sous ses yeux.

Et elle fait mal... Si mal qu'il ne peut l'oraliser et la met donc finalement en scène pour la montrer à sa mère dans le placard de sa chambre qui est un refuge mais aussi un révélateur car c'est un secret trop lourd à porter... Un peu comme Elliot qui cache son secret "ami" lui aussi dans son placard...


Ou encore John Anderton qui cherche désespérément la vérité d'un meurtre à travers les images d'une réalité qui ne s'est pas produite dans "Minority report"... Lui aussi fuyait... La perte de son enfant...


Tout finalement semble ramener à son cinéma et inversement ...

Les paroles deviennent alors inutiles lorsque les images parlent...


Il s'interroge aussi sur son identité... Sa judéité en particulier...

Comme au début du film, où il se plaint du fait qu'à Noël sa maison ne soit pas illuminée comme celles des voisins. Les lumières d'Hanoucca rappellent alors cette flamme qui se consume au son d'une prière juive au début de "La liste de Schindler"...


Les personnages de lycéens de Chad et Logan, qui transpirent l'antisémitisme renvoient forcément aux interrogations sur ses origines qu'il avait déjà évoqué dans un autre de ses films majeurs "Munich" (dont il retrouve le scénariste, Tony Kushner).

La réplique qu'Indiana Jones répète... "Les nazis ? Je hais ces gars-là"... prend alors un tout autre sens ...


Et puis cette scène beaucoup plus légère où il parle avec sa petite amie chrétienne de Jésus Christ à qui elle voue une admiration quasi ostentatoire... Même si l'humour est présent , le questionnement reste pertinent...

L"évocation de son appartenance à une communauté affleure son récit sans jamais prendre le dessus...


Et que dire de cet oncle Boris qui est peut-être le personnage central de ce récit malgré la brièveté de sa relation avec Sammy... Un personnage truculent et qui se révèle le plus à même de comprendre Sammy Fabelman/Steven Spielberg...

Il a travaillé dans le spectacle et le cinéma autrefois. Il en connait les rouages et il a vu les désillusions qu'il peut causer ... Son discours sur la créativité et les sacrifices qu'elle engendre a une véritable résonnance chez Sammy.

Il lui enseigne qu'un cinéaste ne voit pas forcément tout mais il voit surtout ce qu'il y a derrière...

Le jeune homme peut alors prendre en main sa vie... Et sa caméra...


Des sacrifices, il y en aura... Le divorce de ses parents, la séparation avec son premier amour... Mais il a retenu la leçon de son grand oncle Boris... L'art est un éternel déchirement auquel la passion doit survivre...


Son film de fin d'année pour le lycée va également lui montrer qu'à travers les images, la réalité peut être altérée ... Passion ne veut pas forcément dire lucidité... Logan, le beau garçon star du lycée mais surtout antagoniste antisémite y est présenté sous son plus beau jour mais c'est justement ce qui lui fera prendre conscience de sa vacuité...

Le cinéma comme révélateur: Voir ce qu'il y a derrière...

On pense alors à l'Antonioni de "Blow up" et de "Profession: reporter"...


L'épilogue du film qui se déroule lorsque Sammy voit sa carrière commencer à Hollywood n'en a finalement que plus de sens ... L'apparition de John Ford, incarné avec malice et humour pour l'occasion par David Lynch (autre grand metteur en scène préoccupé par l'image et ce qu'elle véhicule) n'y est pas anodine ... On voit un cigare qui n'en finit pas de s'allumer comme si le temps était suspendu pour le jeune admirateur, Les paroles du maître -demiurge vont marquer le jeune homme et son cinéma pour toujours.

Quoi de plus normal quand on se souvient de cette phrase mythique tirée du magnifique "l'homme qui tua Liberty Valance" du même Ford (dont on voit la référence deux fois dans le film): "quand la légende est plus belle que la réalité alors il faut imprimer la légende"... Toujours voir ce qu'il y a derrière...


Chronique familiale intime et intimiste, "The Fabelmans" n'en demeure pas moins une oeuvre majeure dans la filmographie de cet homme affable (un peu) et à fables (surtout ) qu'est devenu Spielberg... C'est assurément sa plus personnelle et émouvante.


À l'image de ce plan où enfant il projetait ses films dans ses mains, Sammy peut alors faire les films dont il rêve.


Pourvu qu'il rêve et nous fasse rêver encore longtemps...

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le 26 févr. 2023

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le 26 févr. 2023

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