"A complete unknown", James Mangold
1961. Un certain Bob Dylan débarque à New York avec pour seuls bagages sa guitare et son talent.
Dès le début, il apparaît déterminé. Sous ses airs taciturnes et une apparence nonchalante, c'est un jeune homme qui sait ce qu'il veut. Cette détermination est le fil conducteur qui va mener sa carrière et sa vie...
En tout cas, de 1961 à 1965, période où le chanteur va faire sa transition entre la folk et le rock et qu'a décidé de mettre en lumière James Mangold dans son film consacré à ce génie musical.
Lorsqu'il arrive à New-York, Dylan de son vrai nom, Robert Zimmermann, a une idée en tête: rencontrer son idole Woodie Guthrie, gravement malade et pour qui il a écrit une chanson. Il rencontre également Pete Seeger, qui va devenir celui qui, véritablement, va lancer sa carrière .
Avec ce film, qui ressemble à un biopic sans en être réellement un, James Mangold réussit là où d'autres ont échoué: montrer le génie sans tenter de le comprendre ni de le justifier... Le mystère Dylan dans toute sa splendeur...
Concentré sur quatre années pivot, de son arrivée à New York en 1961 au festival de Newport 1965, qui a marqué un tournant dans sa carrière artistique, le film ne livre pas pour autant un portrait idyllique du chanteur. On le voit dans sa jeunesse, plutôt égoïste et pas forcément très sympathique mais sans compromis... On le suit dans ces relations avec les femmes...
Sylvie (Elle Fanning ), l'amoureuse transie, tout d'abord. Une jeune femme qui lui offre un amour inconditionnel mais que lui ne peut assumer...
Joan Baez ( Mónica Bárbaro lumineuse), surtout. Il vont entretenir une relation ambiguë. "Je t'aime... Moi non plus ", mais aussi "je t'admire... Moi non plus".
On sent une certaine compétition entre les deux. Leur collaboration artistique/relation amoureuse apparaît dans le film sous un jour nouveau... Le franc parler de la chanteuse folk s'oppose aux jugements parfois blessants de l'inclassable révolté... Joan Baez restera certainement une femme qui aura eu une grande influence dans sa vie et sa carrière. Cela, le film le montre bien...
A ce propos, les scènes où on les voit tous les deux sont certainement les plus réussies.
C'est d'ailleurs un des points forts du film... La direction d'acteurs... Ils sont tous remarquables.
Edward Norton, qui campe son découvreur et ami, Pete Seeger, qui va essayer, sans succès , de ne pas laisser Dylan explorer d'autres horizons que la folk song...
Et que dire de Timothée Chalamet?
Il ne joue pas Dylan... Il est Dylan... Il pousse le mimétisme jusqu'à chanter lui même et il acquiert certains timbres de la voix du maître.
La démarche également... Lorsqu'il est de dos, on en vient à se demander si c'est l'acteur ou des photos d'archive retouchées... Bluffant...
Avec sa musique, Dylan traverse l'histoire américaine qui défile en filigrane de ces quatre années essentielles du chanteur... Sa révolte artistique est aussi celle d'un pays en pleine mutation... Droits civiques, guerre froide... L'Amérique se cherche ... Et lui, sait la route (musicale) à montrer...
Et si finalement, les dernières images du film ne montraient qu'une Amérique qui se regarde au fond des yeux?
Malgré les injonctions extérieures, il faut tenir bon car ce n'est pas au public de diriger mais à l'artiste d'éduquer... Le génie ne se monnaye pas... Il se partage...
Si au début du film, le chanteur espérait la notoriété, très vite il va la fuir...
A l'image du héros éternel de la mythologie américaine, il va devenir ce "poor lonesome cowboy" qui va chanter les opprimés, les laissés pour compte, les révoltés... Ceux qu'il chante dans sa chanson emblématique "like a Rolling Stone"... Dylan a toute sa place dans l'Amérique actuelle, qui, elle aussi, a perdu ses repères...
Adapté librement d'une biographie "Dylan goes électric" d'Elijah Wald, Mangold a, semble t il, lui aussi pris des libertés avec la réalité et Il a fait sienne la réplique du film de John Ford "l'homme qui tua Liberty Valance"... "Si la légende est plus belle que la réalité, alors il faut imprimer la légende" ... C'est une bien belle légende que l'on nous conte dans ce film.
Merci Mr Mangold.
Comme ce prix Nobel de littérature 2016, qu'il n'a accepté que quelques jours avant la date limite de renoncement, le digne héritier de la poésie américaine est toujours là où on ne l'attend pas...
Un parfait inconnu...
Inconnu ? Certainement pas... Parfait... Oui... Passionnément...
"The times they are a-changing"... Peut être... Mais, pas Bob Dylan... Et c'est tant mieux...