The Fake
6.8
The Fake

Long-métrage d'animation de Yeon Sang-Ho (2013)

사이비 / The Fake (Yeon Sang-ho, Corée du Sud, 2013, 1h41)

Auréolé du prix du meilleur film d’animation aux festivals de Stiges et de Gijón en 2013, la seconde réalisation de Yeon Sang-ho permet à ce dernier d’approfondir les thématiques de son précédent projet. À savoir la corruption, le harcèlement, la manipulation, et l’usage d’une violence quasi-culturelle. Il en profite également pour apporter une réflexion particulièrement caustique sur l’obscurantisme et le fanatisme, par une vision très critique du dogme.


Avec ‘’Saibi’’, qui en français signifie littéralement ‘’pseudo’’, Yeon s’attaque à un sujet peu évident, à savoir les abus d’une religion instrumentalisée, et pas n’importe laquelle puisque c’est l’Église Chrétienne. Il faut en effet savoir qu’en Corée du Sud le christianisme est la première, comptant plus de 30% de fidèles à travers la population. C’est plus précisément à l’hypocrisie qui entoure le business de cette obédience que s’attaque le film.


Le récit prend place dans une campagne, aux abords d’un petit village menacé de destruction par la construction prochaine d’un barrage dans les environs. Les habitants, tous très dévoués à leur église, sont manipulés par un pasteur arriviste, le charismatique Choi Gyeong-seok, qui vient leur redonner espoir, moyennant en échange des fonds pour construction un nouveau lieu de culte, et de nouveaux logements.


C’est bien entendu une grosse arnaque, et Choi ne fait qu’abuser une population pauvre, délaissée par des pouvoirs centralisés dans les grandes villes. Convaincu du bien-fondé de la profession de Choi, appuyée qui plus est par le prêtre du village, le jeune et fringuant révérend Sung. Ce dernier, en toute honnêteté, est également convaincu des bonnes intentions de Choi.


Le problème dans ce plan semblant parfaitement huilé, se nomme Kim Min-chui. Un marginal violent, agressif et vulgaire, joueur invétéré porté sur la boisson, qui tape régulièrement sur sa femme et sa fille, a percé à jour les plans de Choi. Il s’évertue dès lors à prévenir le village de l’arnaque, ce qui engage un combat acharné entre Kim et le pseudo-pasteur. Ce dernier n’hésitant jamais à user de la violence et à manipuler des villageois pour l’aider à faire taire Min-chui.


Voilà pour le postulat général du métrage, qui s’enfonce sans détour dans les méandres de l’âme humaine, vers ce qu’elle a de plus dégueulasse. Au-delà des méandres, c’est même dans les tréfonds, de ce que l’humanité à de plus noire. Est du fait le plus bien venu ce dessin, qui opère sur le même mode de ligne clair que pour ‘’The King of Pigs’’, dont les propriétés permettent de nuancer l’horreur du récit.


‘’Saibi’’ est un film dur, difficile à regarder, sans équivoque dans son propos, il délivre une vision particulièrement pessimiste de la société. En observateur de l’œuvre de Yeon, il devient difficile de conserver un tant soit peu d’espoir pour la race humaine. Et c’est un peu là que le film se fourvoie, dans son portrait trop radical d’un immonde quotidien, dominé par le vice, le mensonge et la crasse, tournant le dos à ce conte de fée qu’est censé être le miracle de la vie.


À trop vouloir frapper dans le registre de la gravité, ne s’évitant pas quelques poncifs, c’est une fois de plus dans l’écriture de ses personnages que résident les faiblesses du cinéma de Yeon. Min-chui est un personnage détestable, qui s’il se donne une mission de chevalier blanc, ne parvient jamais à trouver la rédemption. Il n’est jamais touchant, jamais altruiste, jamais ouvert. Il est impossible d’y trouver un minimum d’affect.


C’est pourtant lui qui occupe la majorité du récit, ce qui le rend difficile à suivre, puisque Min-chui est insupportablement détestable dee A à Z, et il le reste de bout en bout. Comme personnage empreint d’une vraie humanité il y a bien Young-sun, sa fille, mais là encore, elle aussi est sacrifié sur l’autel du glauque. Le traitement de son arc narratif plongeant dans l’extrême, se coupant par la même occasion de tout l’empathie qui lui était pourtant réservé.


Young-sun est une jeune femme forte, pleine d’espoir en l’avenir, malgré sa condition sociale. Pour s’en sortir, elle travail durement dans une usine, dans le but de financer des études à Séoul. Le personnage est touchant, et son désir de s’élever socialement la présente comme l’antithèse de Min-chui. Même si tout est contre elle, elle espère renverser les barrières d’une communauté fanatisée à laquelle elle ne veut rester prisonnière.


Elle est également mise en porte-à-faux avec son père, qui est lui un raté, qui n’assume pas son échec et noie sa frustration dans l’alcool et la violence. Il passe son temps à rejeter la faute sur les autres, lorsqu’il est le seul responsable. Il voit ainsi d’un mauvais œil les plans de sa fille, puisque si lui n’a pas réussi, pourquoi elle le pourrait ? Il y a entre ces deux personnages un axe particulièrement exploité, jusqu’à ce que l’horreur fasse son retour dans le déroulé des évènements.


Concernant le gourou Choi et le révérend Sung, ils occupent une place finalement assez secondaire, qui peut les résumer comme les ‘’méchants’’. Une caractérisation sans trop de nuances, même si Sung est un peu plus développé. En sa qualité de manipulé, comme ses ouailles, il a plus de texture. Mais ça ne le rend pas plus sympathique pour autant, car il demeure froid, et sans état d’âme.


Pour une seconde réalisation, il est étonnement que les limites soient identique à celle de son premier galop d’essai. Yeon Sang-ho réitère en effets les mêmes erreurs et maladresse de ‘’King of Pigs’’. Le résultat final de ‘’Saibi’’ est en ce sens très proche. C’est une œuvre forte, avec un message courageux, le sujet n’est vraiment pas des plus faciles, mais l’ensemble est légèrement plombé par des facilités scénaristiques trop voyantes.


Pas mauvais, loin de là, il se place dans la continuité de la première œuvre de Yeon Sang-ho. Ni moins bon, ni meilleurs. Le constat est en demi-teinte, pour une production très sombre, qui témoigne de peu de foi pour notre humanité. En demeure une tragédie somme toute vivace, et méthodiquement bien exécutée, de laquelle de dégage un léger arrière-gout d’inachevé.


-Stork._

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le 13 mai 2020

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