Récompensé de six nominations aux Oscars et lauréat pour deux d’entre eux, The Father réalisé par Florien Zeller est probablement l’un des films qui fait le plus d’attentes en cette réouverture des salles dans ce flux grandissant de sorties de films. Le succès d’un auteur français à l’étranger fait forcément parler lorsqu’on sait que c’est le premier long-métrage réalisé par Florian Zeller, et d’autant plus avec un tel casting composé entre autres par Olivia Colman et Anthony Hopkins. Mais l’œuvre adapté d’une pièce à succès par son auteur même est d’une maîtrise totale de son sujet, de son concept et de tous les éléments qu’il montre à tout point de vue dans une symphonie dramatique qui ne fera que toucher à crescendo son public. Le film raconte ainsi l’histoire d’un homme âgée qui perd la mémoire et se refuse de l’admettre, tandis que sa fille tente de l’aider avec peu de succès, où son père, Anthony, qui devient de plus en plus dépendant des autres.


The Father est avant tout un drame sur l’étape de la vieillesse dans un huis-clos, laissant donc peu de place à de grandes révolutions visuelles. Donnant un aspect au film forcément proches de ce qu’on attend de la réalité, entre l’isolement du père, sa relation avec sa fille et toute autre personne extérieur à la famille. Mais c’est bien avec ces attentes que le film va jouer au cours du récit dans une ambiance qui va virer par moments au thriller psychologique. Le film fonctionne en effet par les caractéristiques du drame, souvent linéaire, dans une suite d’évènements qui virera au tragique, ce qui arrive ici mais par des moyens innovants qui font grandir le film. La manipulation du montage et surtout de l’écriture et du découpage fait rendre fou le personnage d’Anthony, qu’on intègre perturbé, faisant perdre tout nos repères pour tenter de rentrer psychologiquement dans l’étourdissement que subit le héros impuissant. On avance une chose pour la contredire ensuite et tourner en folie celui-ci, captivant l’attention du spectateur tout en le bouleversant totalement. On en arrive un point où on ne sait plus qu’elle est cette réalité qu’on attendait et qui nous manque.


Anthony Hopkins parvient avec un brio époustouflant à garder un juste milieu entre lucidité et perdre pied totalement, nous attachant profondément à son personnage. D’autres éléments amènent subtilement à garder une certaine réalité par des phases qu’on perçoit avec le héros au début comme réel, amenant un humour sur quoi se rattacher pour le spectateur. Des évènements qui permettent de comprendre la déroute dans laquelle se trouve Antony, mais apporte plusieurs doutes sur les motivations finalement de ses proches. C’est ce doute permanant qui rend la fin si bouleversante, rendant compte d’une réalité qui se dévoile pour nous et pour le personnage, et d’à quel point chacun est près à se dévouer pour ce qu’il aime. A quel point la vie de quelqu’un qui compte peut empiéter sur la sienne. Thématique déjà très présente dans Amour de Michael Haneke, semblable également par le huis-clos également et qui tend vers ce désespoir très humain, mais qui peut repousser par la fatalité qui en ressort.


La mise en scène se retrouve assez discrète pour laisser place aux personnages dans un cadre presque toujours très fixe, n’hésitant pas à s’éloigner de son sujet et le confronter dans les différentes formes de l’appartement comme lieu maléfique d’une folie qui la renferme. Un décor très lumineux mais peu fournie, presque vide et bien peu accueillant aux nouveaux arrivants. Symbolique d’un personnage qui se perd, totalement à la dérive mais refuse par méfiance profonde toute intervention extérieure bien qu’il la sente au fond nécessaire. Le film décrit brillement la situation paradoxale de la vieillesse qui perd toute rationalité et nécessite qu’on l’accepte, qu’on l’accompagne malgré l’incompréhension face à ce qu’il se passe des deux côtés. Le film tient toutefois grandement son brio par des acteurs qui donne vie à leurs personnages, une confrontation entre Olivia Colman et Anthony Hopkins qui fonctionne à merveille. Prenant toute la place et se répondant parfaitement l’un et l’autre, exprimant toute la détresse, l’impuissance face à une vie qui se termine pour soi et auprès des autres.

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5

Créée

le 7 juin 2021

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