Dans l’ombre portée de ce qui fut soi se délitent mémoire et expérience du temps. Antichambre de l’oubli où Zeller capte la vie à l’envers. « À quel degré de bonté et d’humour ne faut-il pas parvenir pour supporter l’horreur de la vieillesse. » avait écrit Freud à la fin de sa vie.

Si vieillir est un processus inéluctable, une épreuve avec ses pertes et ses déficits, c’est un constat, une réalité que l’on accepte plus ou moins, même si inconsciemment on peut en repousser l’évidence. Avec la maladie d’Alzheimer, c’est autre chose : les mots se dérobent, les images familières se mélangent, se confusionnent dans une inquiétante étrangeté, le quotidien se délite avec la mémoire et les souvenirs. La superposition et de télescopage entre le passé et le présent sont permanents. C’est la traduction cruelle d’une désintégration progressive des processus psychiques.

Devenir étranger à soi-même, progressivement, dans le labyrinthe et les méandres d’une pensée qui s’échappe, Zeller l’a traduit en images et dans sa mise en scène. Il nous fait pénétrer de l’intérieur le désastre de cette maladie en se plongeant dans l’esprit éclaté même de son personnage, en nous perdant en même temps que lui dans les différentes temporalités, les différents espaces et les non reconnaissances dans les rencontres avec l’autre. Olivia Colman est émouvante dans le rôle tout en nuances d’une fille dont on dévoile tous les sentiments entre abnégation, devoir, amour, colère, désarroi et qui doit assumer crises et absences, confusion et cruauté des mots, de devenir comme une étrangère, spectatrice d’une longue déliquescence. Quant à Anthony Hopkins, il m’a absolument bouleversée, dans ses angoisses, ses états d'âme les plus complexes, son sentiment de perdition, de déréliction totale, d’effritement de la pensée et, entre réel et illusion, la prise de conscience intermittente que son existence lui échappe à jamais. Il l’a mérité cet Oscar.

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le 19 juil. 2024

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