La fin et le début.

La fin d'un DCEU qui avait démarré sur les chapeaux de roue avec "Man of Steel" avant de se crasher en cours de route, comme schizophrénique, n'arrivant jamais vraiment à trouver le chemin pour établir un univers partagé capable de concurrencer le mastodonte Marvel et dont le "Justice League", film malade, est devenu représentatif, tiraillé entre une version ciné retravaillée par les pontes de la Warner pour être conspuée et une director's cut salvatrice vis-à-vis de la vision de son chef d'orchestre originel Zack Snyder mais laissée à jamais entre des parenthèses sans avenir. Depuis, les restes de ce feu DCEU survivent mollement, se reposant sur les bribes d'un monde évidemment prometteur mais ne débouchant que sur d'amères déconvenues ("Black Adam" et surtout "Shazam: Fury of Gods" récemment).

Le début d'un DCU, d'un nouveau chapitre chargé de faire table rase (enfin, pas complètement) du passé pour repartir sur des bases plus saines, sous l'oeil de James Gunn et Peter Safran, et espérer enfin avoir un univers DC à la hauteur de la renommée des comics là où Marvel commence à montrer des signes d'essoufflement sur grand écran (ainsi que le petit) avec son MCU.

Et, pour faire office de transition adaptée entre ces deux ères, quoi de mieux que le plus célèbre des Speedsters pour faire bouger les lignes du Multivers DC avec un fameux "Flashpoint"? Bien sûr, ici, on fait surtout appel aux grandes lignes de la BD éponyme signée Geoff Johns & Andy Kubert (en voulant changer le passé autour de la mort de sa mère, Barry Allen met une pagaille phénoménale dans le lore DC) avec le dessein d'en faire une espèce de "kärcher" cinématographique chargé de potentiellement remodeler le DCEU en DCU, d'offrir sa première grande aventure "solo" à Flash en long-métrage et de faire plaisir aux fans en multipliant les apparitions de tous les super-héros de la marque sur des décennies sous couvert d'un Multivers partant à vau-l'eau.

La tâche était donc lourde, très lourde pour une production n'ayant cessé d'accumuler les déboires en termes de délais interminables, de changements de dernière minute en fonction des diverses refontes temporaires de l'univers en question ou de controverses autour de son acteur principal Ezra Miller... Et, hélas, comme attendu, le résultat chapeauté par Andrés Muschietti ("Mamá", "Ça") n'est pas à la hauteur du choc d'un réel "Flashpoint", échouant sur bien des tableaux à se montrer passionnant ou même convaincant.

D'abord, en ce qui concerne l'exploration de la dimension personnelle de son Barry Allen/Flash où, après une petite aventure post-"Justice League" en compagnie des ruines qu'il en reste, le Speedster se tourne vers la tragédie qui a forgé sa destinée. Expédiée à la vitesse de l'éclair, avec une telle mièvrerie que la moindre émotion ne peut y être suscitée, la mythologie dramatique de Barry Allen, pourtant intéressante (et bien mieux explorée par la dernière série TV) va ici se retrouver très vite supplantée par une avalanche de gags provoquée en majorité par la confrontation du policier scientifique à son jeune alter ego très turbulent.

On n'a bien entendu rien contre un peu de légèreté, surtout que Flash est le héros DC qui s'y prête le plus par son caractère infantile, mais, à part faire pire que le plus mauvais film Marvel niveau trop-plein d'humour (on sourira un peu, reconnaissons-le), on dirait que le seul moyen trouvé pour faire grandir le Flash cinéma face à ses décisions irréfléchies est de lui avoir accolé une version de lui-même toujours plus impressionnante de stupidité. Même si cela portera ses fruits avec un peu plus de sérieux dans le tout dernier acte du long-métrage (sans grande surprise pour qui a déjà côtoyé les aventures du Speedster), l'argument apparaîtra trop mince, mal amené et tourné à l'excès vers la blague pour rendre un tant soit peu justice au personnage de Flash et imposer une fois de plus cette version cinéma comme une incarnation incontournable.

Et pas la peine de compter sur son entourage proche (Papa & Maman Allen, Iris West, ses collègues) pour le rendre plus intéressant, leurs développements se sont manifestement perdus dans un univers hors de notre portée.

Toutefois, "The Flash" avait la possibilité de se rattraper grâce à la découverte de son monde alternatif et les multiples surprises qui y sommeillent, dont évidemment l'attraction principale: Michael Keaton endossant de façon inespérée le costume de son Batman 90's dans le but de donner un coup d'aile de chauve-souris à son jeune confrère.

Certes, le plaisir de retrouver le charisme toujours intact de l'acteur derrière le masque sera incontestable durant quelques séquences (quand il est traité à la hauteur du souvenir laissé par les films de Burton) mais, comme son image sera trop souvent malmenée par les réactions toujours plus agaçantes d'humour lourdingue des Flash à son contact, le personnage en ressortira parfois abîmé, frappé d'une dérision moderne qui ne lui sied guère, voire le ridiculise (sa première apparition en mode ermite tourne même au moment de gros malaise). Et, dans cette "Justice League" light de circonstances, si Supergirl ne démérite pas pour coller quelques méchantes mandales kryptonniennes, on ne peut pas dire que la version de Sasha Lane ait véritablement le temps de vivre à l'écran pour être marquante. De même que le retour de Zod (Michael Shannon) et ses sbires ne donnera que des silhouettes ennemies à bastonner dans une bataille finale prétexte à offrir son quota d'action super-héroïque à la qualité... plus qu'aléatoire.

Eh oui, peut-être au-delà de tout pour un blockubster de cette trempe, et ce malgré quelques idées de mise en scène de Muschietti diluées dans l'ensemble, "The Flash" va passer son temps à nous vomir en pleine figure une quantité de CGI à la finition plus que douteuse, comme débordé par sa quantité généreuse de phases d'action (on ne peut pas lui reprocher le contraire) qu'il se montre incapable de concrétiser par des effets spéciaux à la hauteur. Tout n'est bien sûr pas à jeter mais on aura rarement vu un film de super-héros récent osant autant aller s'aventurer dans le numérique foiré (des bébés de l'ouverture à d'innombrables incrustations foireuses de têtes d'acteurs en passant par les visions hideuses des différentes temporalités, c'est un festival... et on a vu "Ant-Man 3" pourtant, c'est dire !).

Mais, le pire réside sans doute dans les dernières apparitions réservées par le film, échouant à traduire l'ampleur que celles-ci voudraient clairement atteindre pour égaler les surprises d'un "Spider-Man: No Way Home" par l'intermédiaire de caméos nostalgiques gratuits, creux et, pour certains, d'une laideur qui frise la gêne dans l'esprit d'hommage qu'ils voudraient pourtant transpirer. À titre de comparaison, on s'aventurait presque à dire que le crossover télévisuel de l'Arrowverse, "Crisis on Infinite Earths" s'en est peut-être mieux sorti à son échelle, malgré d'autres faiblesses évidentes...

Et, comme si cela ne suffisait pas à notre déconfiture devant ce "The Flash" globalement insipide, le regard tourné vers l'avenir d'un nouveau DCU se résume au final encore à peu de choses, à simplement des portes ouvertes sur des changements indéterminés, tournés qui plus est en plaisanterie par un énième caméo amusant mais insignifiant, tout comme la scène post-générique d'une nullité abyssale.

Il ne fallait probablement pas attendre grand chose d'un film qui utilise un plat de pâtes pour expliquer les méandres du Multivers DC.

RedArrow
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le 15 juin 2023

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