On aurait pu croire que cette histoire serait linéaire, se passant en 3 étapes bien délimitée dans le temps et présentant chacune des objectifs bien précis se prolongeant dans la période suivante, pour s'achever sur un final très philosophique, que beaucoup espérait / voyait / désirait (rayer la mention inutile) aussi fort que 2001. À supposer qu'on ne dorme pas avant. Ceci étant dit, je me suis pas souvent fait autant chier que devant 2001. Je n'en dénigre pas pour autant les énormes qualités.

C'est en partie vrai seulement.

Darren Aronofsky a déjà prouvé avec Requiem for a Dream à quel point il maîtrise la narration. Alors The Fountain ne pouvait pas être aussi prévisible. Ce qui au départ se présentait comme une quête de l'immortalité (thème sujet à philosopher dans tous les sens) devient surtout et avant tout une histoire d'amour puissante. Tous ce qui est abordé dans ce film ne l'est que pour mettre en valeur cette histoire magnifique qu'est celle de Tomas / Tommy / Tom et Izzi.
•Tomas cherche l'arbre d'immortalité pour venir en secours à sa reine et sa patrie, l'Espagne, pour contrer un inquisiteur qui persiste faire mourir les gens pour préservé le dogme religieux.
•Tommy cherche un remède capable de guérir sa femme du tumeur maligne, et utilise pour ce faire un échantillon d'un arbre d'Amérique centrale.
•Tom cherche à sauver un arbre, celui de l'immortalité, en l'emmenant vers Xibalba, la nébuleuse ou renaissent les morts.

Le personnage incarné par Hugh Jackman (d'une justesse confondante, son meilleur rôle) est montré comme un homme borné à vouloir vaincre la mort, par n'importe quel moyen, pourvu qu'il sauve sa femme de la mort. Vous aurez remarquez que son histoire tourne en rond complet comme un serpent qui se mort la queue. Impossible pour lui de trouver une quelconque solution.

Ceci, Aronofsky l'aborde de manière simple en présentant les 3 étapes de son personnage principal en 10 minutes. Ça embrouille un peu, mais le "Finish it" qui retenti dès le début du film nous renseigne quant au fait que Tom a laissé inachevé quelque chose, mais quoi? Cette simple interrogation nous maintient en éveil durant le film. Si on passe à côté, on ne pourra que s'émerveiller de l'acharnement démentiel dont fait preuve Tommy pour trouver un remède à la tumeur de sa femme, et des artifices qu'elle met en oeuvre pour attirer son attention. On se rend très vite compte que Tomas est une relecture de Tommy, transcrite en fanatique qui ne pense qu'à la sauvegarde de son pays et de sa reine, jusqu'à la folie; la BD, qui est la première version du scénario, met plus en exergue cette partie de l'histoire et s'attarde plus sur cette version de Tomas. Le film fait la part belle à Tommy et Tom. Et ce faisant, nous intrigue quant à cette histoire peut abordée (et la renforce par cette absence) née de l'imagination et de la culture que Izzi a développé, en prévision de sa mort prochaine. Elle est la clé à la hantise de Tommy, qui refuse d'accepter la mort de sa femme. En refusant de la laisser partir, il la fait souffrir par son absence. Finalement, elle a l'air tellement plus vivante que lui, à s'efforcer de mordre dans la vie à pleine dent. Ce que Darren Aronoksky rend par sa réalisation éblouissante.

Tout d'abord, on est marqué par le nombre de plans récurrents (pas copié / collé non plus) que Darren disperse dans son film. Ils changent subrepticement, histoire de bien nous montrer que ce n'est pas de la redite, mais bien une volonté de narration, comme les plans de Tom parlant à l'arbre et ceux de Tommy parlant à sa femme. Les mouvements de caméra sont calqués sur le schéma d'une croix (le symbole religieux): de gauche à droite ou d'arrière en avant, ou vice versa. Car c'est un vrai chemin de croix que vit Tommy. Il doit revenir à la lumière, lui qui est toujours dans l'ombre, alors que Izzi est un vrai phare: elle est habillée en blanc, à l'inverse de son mari, et toujours éclairée, toujours à l'inverse de son mari, et cherche à lui parler, alors que lui ne l'écoute pas, ou lui répond à côté. Un splendide dialogue de sourd! Et malgré ça, elle répète et continue de lui parler alors que lui se perd de plus en plus. Seul la mort de sa femme lui permet d'ouvrir les yeux sur ce qu'il a manqué, alors qu'il commençait à comprendre (il est présent lors du décès de sa femme, alors qu'il aurait pu être au boulot à s'acharner). Et sa recherche de la lumière prend alors la forme d'une révélation alors que Tom pénètre dans Xibalba, la nébuleuse mourante: il est arrivé à la lumière. la conclusion s'impose à lui.

Sa femme en partant a laissé inachevé son manuscrit, le laissant face à la mort (le dernier mot du livre). Le "finish it" nous revient alors en pleine poire: finir le livre, c'est accepter la mort, celle de sa femme, et la sienne.
Les fins de chaque partie deviennent totalement complémentaire:
•Tom apparaît devant le Maya, qui lui offre sa vie, et avalant la sève de l'arbre, devient un tapis de fleur, faisant naître la vie de sa mort,
•Tommy enterre une graine sur la tombe de sa femme pour que de sa mort naisse la vie,
•Tom accepte de mourir dans l'explosion de la nébuleuse, baigné de lumière, et fait refleurir l'arbre d'immortalité. Cette explosion est d'ailleurs assimilable à un big bang, qui est une explosion cosmique qui aurait créer notre système solaire, et par extension la vie.
Voici mon interprétation de ces 3 morts successives:
-> celle de Tomas montre que la vie naît de la mort (les fleurs),
-> celle de Tommy montre que la mort est une porte sur la vie (la graine),
-> celle de Tom montre que la vie naît de la mort, que cette mort amène à la renaissance (l'arbre) et illustre le mythe de l'Ouroboros (celle du christianisme, mais n'hésitez pas à lire les autres signification du mythes, très intéressantes et complémentaires. J'ai d'ailleurs utilisé l'image du serpent qui se mord la queue sans connaissance de sa relation avec ce mythe ) de manière magnifique.
L'évolution physique de Tom montre d'ailleurs sa propension à recevoir de l'extérieur, et sa "pureté":
-> Tomas est un guerrier, barbu et chevelu, vêtu d'une armure et aussi têtu qu'une mule, et a des gestes extrêmement brutaux,
-> Tommy est mieux coiffé, pas rasé, sapé comme un vampire, et écoute plus son entourage, plutôt que de les exploser à coups de masse, et à une plus grande tendance à réfléchir,
-> Tom, bien qu'enfermé dans sa bulle, vit avec le cosmos, en méditant. Il est chauve, rasé de prêt, porte une sorte de kimono et se déplace avec grâce, dans un silence apaisé, et finit, complètement détendu, par être absorber par la lumière.
C'est un gros parallèle à 2001, le plus évident qu'on pourra trouver (du singe au foetus astral). Ça me rappelle un pote qui disait de ce film: "on peut y voir ce qu'on veut. Moi, j'y voit une théorie sur le savoir vivre et la pilosité: au début des singes poilus qui bouffe comme des gorets, puis des hommes rasés qui mange mieux, mais en mettent à côté quand même, puis un vieux qui fait tomber un petit pois, pour finir sur un vieillard qui ne mange même plus et qui n'a plus un poil. Et l'apothéose du bébé dans l'espace!". Une belle crise de rire. Sauf que Aronofsky ne met pas 2H40 pour en arriver là, et met au centre de son film, une histoire d'amour fabuleuse.

Un film qui se conclue comme il commence, sur un grand mystère, celui du renouveau et du retour à la vie.

Pour les plus nostalgiques, on peut dire un retour à la case départ, pour se ré-impreigner de ce film marquant.
Alexandre_Godar
10
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le 17 juil. 2013

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