C'est une copie en clair-obscur que rend cette année Wes Anderson avec The French Dispatch. Fidèle à lui-même, le réalisateur texan offre de nouveau quelques sublimes plans symétriques au cadrage millimétré et se plaît à mettre en scène une fois de plus sa traditionnelle course-poursuite déjantée.
Néanmoins, le metteur en scène présente une œuvre à la fois moins chatoyante par l’usage souvent dispensable du noir et blanc mais aussi plus désincarnée tant l’attache affective du spectateur aux personnages qui animent le récit est négligeable et négligée.
The French Dispatch est une réussite tant du point de vue de la bande originale (fruit d’une énième collaboration avec Alexandre Desplat après Fantastic Mr. Fox, Moonrise Kingdom, The Grand Budapest Hotel et L'Île aux chiens) – laquelle accompagne discrètement mais non moins efficacement le long-métrage – que dans la construction narrative du récit segmenté en trois axes majeurs qui s'incarnent en autant d'articles devant paraître dans le quotidien auquel le film donne son nom et dirigé par Arthur Howitzer Jr. (dont Bill Murray se fait l'interprète anecdotique). De facto, le point noir indéniable de cette dixième production du réalisateur américain réside dans le développement des personnages qui semble passer au second plan. En effet, les acteurs - tous à leur niveau si exception faite de la prestation inégale de Lyna Khoudri (dans le rôle de Juliette) que je découvre malencontreusement avec ce film - échouent à incarner pleinement les personnages qui sont les leurs du fait d'un temps de présence à l'écran extrêmement limité qui réduit leur portée émotionnelle auprès du spectateur.
En dépit du traitement lacunaire dont pâtissent les personnages, certains d’entre eux font l’objet d’une interprétation rafraîchissante tant l’éclat charismatique d’une Léa Seydoux ou d’un Adrien Brody se transfigure devant la caméra d’Anderson. Dans cette production au dynamisme parfois oppressant et ne laissant que trop peu de temps au spectateur pour apprécier les tableaux qui se dessinent sous ses yeux, émergent, à l’instar de cette chevauchée onirique des jeunes Chalamet et Khoudri au guidon de leur cyclomoteur, quelques plans extraordinaires d’inspiration.
Malgré cet aveu d'échec certain, Anderson délivre, comme à son habitude, une œuvre au montage et à la composition remarquables. Du travelling à la caméra embarquée, du talent coupable d'un Benicio del Toro désinvolte à la fougue estudiantine d'un Chalamet en intellectuel révolutionnaire et avec quelques idées neuves de mise en scène, Anderson expose tout son savoir-faire à travers un film qui – en surface a minima – n'en finit plus d'impressionner, tant et si bien qu'il se permet même de juxtaposer l'animation à une cavale endiablée au cœur d'Ennui-sur-Blasé (lieu fictif du métrage qui fait sourire tant il ancre l'action dans un cadre « méfrancolique »).
Enfin, la direction d'acteurs est à saluer au même titre que la pertinence et la drôlerie que dégagent les dialogues parfois un tantinet sinueux de par la richesse du vocabulaire employé et les références aux multiples personnages qu'Anderson peine à nous rendre familiers.