Pour moi ce film est un petit bijou de subtilité, d'humour tendre et gentiment décalé. Mais à son paroxysme, ou si vous préférez en pleine maturité. D'une inventivité constante, nous y voyons la recréation d'une France fantasmée, ce qui aurait pu nuire au film et qui en a agacé plus d'un. Peu m'importe aussi ceux qui y voient une redite du style soi-disant essoufflé de Wes Anderson, une mécanique désormais en roue libre, celle d'un auteur ayant déjà tout dit et prouvé.
Ces esprits chagrins m'avaient rendu méfiant, d'autant plus que je n'aime pas forcément tous ses films de manière excessive. Mais ils sont peu. Benicio Del Toro y est grandiose en criminel artiste, aliéné mais amoureux. Léa Seydoux est étonnante en maton-muse intègre qui pose nue pour lui. Quant à Timothée Chalamet, il confirme son jeune talent polymorphe dont la carrière n'a pas fini de nous surprendre. Pourtant, là encore, un préjugé s'était installé en moi à son égard, je me disais encore un jeune acteur à la mode au bon endroit. J'avais tort, Bones and All en est la preuve, il prend des risques et les assume. Quant à Geoffrey Wright, il est juste impérial en journaliste improvisé, livrant un texte où se mêle chronique judiciaire et criminelle, kidnapping et gastronomie! Et la liste est longue...
Merci Wes pour ton film, il m'a profondément touché, fait rire et constamment surpris. Tout en êtant encore esthétiquement magnifique(décors, noir et blanc/couleur, animation inspirée par la ligne claire). J'avais lu, ici et là, que les acteurs faisaient leur passage éclair, sans substance, sur un mode frivole. Il n'en est rien. Peu importe la durée à l'écran, seule compte sa consistance.
Par le biais du journal et ses articles, l'éloge de la presse écrite se décline en chapitres insolites(la gastronomie dans un commissariat), mais aussi gentiment ironiques(le monde de l'art et la spéculation sur les oeuvres). Le tout aurait pu être acerbe et critique, il est juste amusé, lucide et doucement poétique(mai 68).
A bientôt Wes Anderson.