LE JARDIN DES MOTS – LE NOUVEAU BIJOU DE SHINKAI
Le jardin des mots (Kotonoha No Niwa) est un film d’animation japonais sorti en 2013. Réalisé par Makoto Shinkai, auquel on doit notamment 5 centimètres par seconde et Voyage vers Agartha, le long-métrage des studios CoMix Wave Films était très attendu du public asiatique et occidental. Après sa première du 28 avril au Gold Coas Film Festival (Australie), il a connu une sortie en salles au Japon, à Hong-Kong et à Taïwan le 31 mai. Il était projeté avec un court-métrage du même réalisateur : Dareka no Manazashi. Le film a connu une avant-première en France le 18 octobre, au cinéma Le Grand Rex (Paris) en présence du réalisateur Makoto Shinkai.
ROMÉO ET JULIETTE : LA MORALE DE SHINKAI
L’histoire prend place au Japon à Tokyo. On y suit un jeune lycéen, Takao Akizuki, qui se rend dans un parc chaque jour de pluie. Il y rencontre une fille, Yukari Yukino. On ne tarde pas à comprendre pourquoi elle se rend au parc systématiquement. Les deux protagonistes se rencontrent donc quasiment chaque jour durant la saison des pluies. Ceci va naturellement les amener à communiquer et à forger des liens.
Takao rêve de devenir cordonnier et de créer des chaussures. Il en vient même à sécher les cours pour se rendre au parc et dessiner des chaussures. Il paraît si sérieux et mature qu’on en oublie son âge : 15 ans. Au contraire, Yukari semble être une jeune femme qui tente de paraître calme et mystérieuse face aux autres. Peu après, on découvrira une personnalité peut-être légèrement plus enfantine. Sa douce voix nous laisse penser qu’elle n’est pas tout à fait prête à grandir et qu’elle essaie malgré tout de donner une bonne image d’elle-même : une femme calme qui maîtrise sa vie.
Évidemment, au fil de l’histoire, les deux personnages vont créer une sorte de complicité amoureuse : Takao va tomber amoureux de Yukari, et vice versa. On ne découvrira la réciprocité de cet amour que plus tard. Les scénaristes nous livrent finalement une morale : L’amour est soumis à des critères tels que l’âge, l’appartenance sociale et la vision des autres.
UNE ANIMATION ET UNE BANDE-SON QUI FRÔLE L’EXCELLENCE
On connaît Shinkai pour la qualité visuelle de ses films, et celui-ci ne déroge pas à la règle. Chaque scène et chaque instant du long-métrage pourraient servir à faire une affiche. On sent un réel travail derrière cette animation, et d’après les mêmes plans qui apparaissent plusieurs fois, on peut penser que Shinkai s’inspire de vraies photographies pour construire ses décors. Et ça ne serait pas totalement aberrant, tant on sent la quantité d’effets ajoutés. Le jeu de couleurs très vives et la tonne de lumières ajoutées sont flagrants, mais fort heureusement bien maîtrisés.
Pour accompagner l’animation, le compositeur Daisuke Kashiwa s’est occupé de la bande-son. A noter la non présence de Tenmon, qui était le compositeur des précédents travaux de Shinkai. Cependant Kashiwa fait un excellent travail, avec une majorité de morceaux de piano. Sa bande-son sait rester discrète, elle est assez simpliste et reste efficace. Et ce n’est pas forcément mauvais pour un film tel que celui-là ; ça évite notamment de se faire de fausses idées sur une scène et nous oblige à garder les pieds sur terre. Enfin, le thème de fin « Rain » par Motohiro Hata est un morceau de pop acoustique très calme qui met fin au film sur une très bonne note.
UN ENSEMBLE ENCORE BIEN FRAGILE
L’intrigue du film est lente, tandis que la fin est trop rapide. On aurait aimé une harmonisation, car pour certains le dénouement peut paraître vraiment tiré par les cheveux. On ne voit pas très bien le passage entre la simple rencontre et la complicité amoureuse.
Également pour l’animation, certains pourront déplorer la présence abusive de plans « carte postale ». En effet, comme dit plus haut, chaque début et fin de scène pourrait servir à faire une affiche ou une carte postale, et si c’est en effet éblouissant, j’ai un sentiment de lassitude à la fin. On finit par trouver ça assez artificiel et vain. Et si Shinkai sollicite énormément la forme de ses œuvres, il semble en délaisser le fond. Sans remettre en cause la qualité graphique du film, on peut émettre une critique sur le scénario trop simpliste. Nous sommes ici en présence d’une histoire « Roméo et Juliette » classique, avec un amour impossible et un dénouement presque prévisible dès la moitié du film.
Et là, si certains tendent à appeler Shinkai le « nouveau Miyazaki », je ne partage pas cet avis. En effet, on connaît Miyazaki pour des films d’une qualité extraordinaire, avec des scénarios et des dialogues finement construits. Shinkai, même s’il semble être égal voire supérieure à Miyazaki sur l’animation et la mise en scène, s’avère être bien en-deçà en ce qui concerne le scénario et la crédibilité de ses histoires.
Finalement, Le jardin des mots s’avère être une excellente expérience visuelle. Même si le fond n’est pas forcément travaillé, on apprécie sa beauté et la qualité de sa mise en scène. Les férus d’animation y trouveront leur bonheur, mais il en sera autrement pour ceux qui s’attendent à une histoire riche et travaillée. Il s’agit bien là d’un bijou visuel, et uniquement visuel.
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