Je ne l’avais pas revu depuis le ciné. C’est encore mieux que dans mes souvenirs. Mise en scène vraiment aux petits oignons. Chef d’œuvre de fin. C’est un film tout jeunot mais je pense qu’on peut d’ores et déjà dire que c’est un grand classique, non ?

En définitive The ghost writer c’est l’histoire d’un fantôme sur les traces d’un fantôme mort dans sa quête de vérité. Le nègre (terme français) de l’ancien Premier ministre britannique vient d’être retrouvé mort. Afin de mener à terme son ouvrage quelqu’un est amené à le remplacer. Ewan McGregor, dépourvu d’une autre appellation que celle de Ghost writer durant toute la durée du film, est chargé du travail qu’il doit rendre trois semaines plus tard, tout cela en échange d’un très gros cachet. L’écrivain fantôme est en quelques sortes un raté. Il n’a pas l’étoffe d’un écrivain autodidacte alors il devient la plume des hommes célèbres.

On est déjà dans une spirale hitchcockienne. Le pauvre type entraîné dans une machination qui le dépasse, héritage hitchcockien à l’obsession. Et puis en même temps ce genre de récit progressif, parano, plein de fausses pistes c’est totalement Polanski. Il y a d’abord une étape où le personnage ne se doute de rien, il est dans l’appétit du gain, totalement aveugle. La lecture des six cents pages de l’ouvrage ne le réjouit pas mais il n’a pas le choix il faut qu’il s’y lance. Et puis par la suite il y a tout un tas de petits secrets, de découvertes étranges, de comportements qui se démarquent. Le récit est très limpide et en même temps très complexe. On progresse avec le personnage. On ne voit rien d’autre que ce qu’il voit. Ces grands espaces qui l’encerclent deviennent peu à peu menaçants. Il est comme emprisonné. Le fait est, en plus, qu’il doit séjourner chez son hôte qui vit reclus sur une île. Les indices pleuvent dans le film, des indices qui mènent à quelque chose, d’autres qui ne mènent à pas grand chose. Disparition de ceux qui en savent trop. On pense à une gigantesque conspiration politique. Puis disparition du principal suspect. Efforts anéantis. Polanski nous demande de regarder au second plan. C’est ce que l’on voit moins qui pourtant saute aux yeux. A l’image de ce balayeur sur la terrasse – qui fait office de running-gag – qui n’en finit plus de ramasser les feuilles.

Il n’y a pas tant de film de Polanski qui joue autant sur le plan large en fin de compte. Dans The ghost writer si l’on n’est pas en intérieur où le plan se resserre forcément nous sommes dans l’immensité indomptable des plans larges en extérieur. Cette embarcation de ferry la nuit par exemple. Cette maison isolée uniquement encerclée de dunes de sables, puis de l’océan. Cet océan qui ramène des corps à des endroits où il est normalement impossible qu’il les ramène. Il y a une gestion de la lumière incroyable.

Et puis il y a les cinq dernières minutes du film. La vérité éclate, elle emporte tout. Un bout de papier qui circule de mains en mains avant d’arriver jusqu’à sa destinatrice. Un verre levé. Une confidence dans l’oreille. Un homme qui cherche un taxi. On y retrouve ce fameux plan large. Il disparaît hors champ. Une voiture débarque à une vitesse folle, le renverse toujours hors champ. Les feuilles du manuscrit qu’il tenait entre ses mains, et donc la vérité sur cette machination s’envolent dans les rues new-yorkaises. En attendant qu’un ghost balayeur prennent à son tour le relais. On a retrouvé le Polanski de Chinatown.

Il est intéressant de faire un léger comparatif avec le Scorsese sorti la même année dans le sens où ce sont tous deux des films centrés sur un personnage emprisonné. Si Shutter island m’a cueilli, bouleversé, m’a fait terriblement flipper aussi donc a déployé davantage d’émotions immédiates me concernant, je me surprends aujourd’hui à revoir plus aisément le Polanski tant en terme de récit et de mise en scène je le trouve d’une richesse absolument démente. Et il a cette capacité à ne pas se dévoiler d’un seul coup. J’y pense régulièrement depuis que je l’ai vu. Je me remémore des instants que je croyais avoir oubliés. C’est vraiment un grand film.
JanosValuska
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Top 10 Films 2010

Créée

le 7 févr. 2015

Critique lue 285 fois

2 j'aime

JanosValuska

Écrit par

Critique lue 285 fois

2

D'autres avis sur The Ghost Writer

The Ghost Writer
Aurea
7

La pièce manquante

Avec Polanski comme réalisateur, ce thriller politique ne pouvait que porter sa marque, et c'est vrai que le cinéaste tourmenté renoue avec ses obsessions. Ce ghost writer est bien cet écrivain...

le 23 août 2011

60 j'aime

8

The Ghost Writer
SanFelice
7

"I'm your ghost"

Un écrivain, dont on ne connaîtra jamais le nom, est engagé par un ancien Premier Ministre pour rédiger ses mémoires. Projet qui peut paraître attirant, surtout sur le plan financier, mais qui...

le 10 janv. 2014

54 j'aime

14

The Ghost Writer
Mr-Potatoes
10

«Un pour tous, tous pourris»

Tous les fornicateurs/libertins/échangistes/politiciens d’expérience vous le diront : « Une c’est bon, deux c’est meilleur ! ». Riche de ce sage enseignement, c'est une critique non pas sur un mais...

le 6 oct. 2015

48 j'aime

6

Du même critique

Titane
JanosValuska
5

The messy demon.

Quand Grave est sorti il y a quatre ans, ça m’avait enthousiasmé. Non pas que le film soit  parfait, loin de là, mais ça faisait tellement de bien de voir un premier film aussi intense...

le 24 juil. 2021

33 j'aime

5

La Maison des bois
JanosValuska
10

My childhood.

J’ai cette belle sensation que le film ne me quittera jamais, qu’il est déjà bien ancré dans ma mémoire, que je me souviendrai de cette maison, ce village, ce petit garçon pour toujours. J’ai...

le 21 nov. 2014

33 j'aime

5

Le Convoi de la peur
JanosValuska
10

Ensorcelés.

Il est certain que ce n’est pas le film qui me fera aimer Star Wars. Je n’ai jamais eu de grande estime pour la saga culte alors quand j’apprends que les deux films sont sortis en même temps en salle...

le 10 déc. 2013

28 j'aime

8