The Giant Claw
4.4
The Giant Claw

Film de Fred F. Sears (1957)

La réaction de @real_folk_blues quant à ce film sur ma précédente critique me pousse enfin à en jacter quelques mots. Il est vrai que je m'étais jusqu'à lors passé de cet artifice, jugeant que la description pure et simple du film en une phrase suffisait amplement à en illustrer la grandeur à tous les niveaux. Mais je ressent maintenant l'irrépressible envie d'ajouter quelques précisions.

Revenons d'abord sur ce qui fit trépider ce cher real. Le résumé du film, on ne peut plus honnête, tenant en une phrase courte et que je vais retranscrire ici même devant vos yeux (très justement) admiratifs sans plus attendre : The Giant Claw, c'est l'histoire d'un dindon géant intergalactique protégé par un bouclier d'antimatière, déboulant dans notre système solaire et engageant l'apocalypse sur Terre.

Alors bien entendu, le film offre maintes circonvolutions que je vais tenter d'énumérer fidèlement pour expliquer ce postulat de départ plus qu'osé, mais le résumé de ce que ces 1h14 vous montreront ne saurait y faire largement attention. C'est bien un croisement entre un dindon et un vautour (avec un zeste d'archéoptéryx, l'animal ayant, en plus de son bec, des dents) que vous verrez dans ce film, allègrement dévaster notre belle planète.

Fred F. Sears, s'étant autrement avéré un réalisateur de série B relativement moyen mais tout à fait respectable en d'autres temps, notamment avec des productions comme "The Werewolf" ou "The Night the World Exploded", et surtout, plus particulièrement lors de sa modeste mais néanmoins réussie et impressionnante collaboration avec Ray Harryhausen pour son "Eatth vs The Flying Saucers" en 1956, décide lui aussi de participer à la monstrueuse apogée de l'année 1957, choisissant par je ne sais quelle démence de tirer son épingle du jeu au milieu des araignées de Jack Arnold, des créatures reptiliennes d'Harryhausen et des scorpions de Willis O'Brien, en mettant en scène un dindon apocalyptique.

Alors inutile de préciser que ce film, au même titre que les plus beaux Corman, dont "Attack of the Crab Monsters" la même année, est un magnifique prélude au genre du nanar, aujourd'hui estimé à sa juste valeur. Mais F. Sears ne se contente pas de faire un plagiat miteux d'un inimitable Corman. Sears voit ambitieux, Sears voit grand. Sears voit "As big as a battleship". Et voilà que le bonhomme bâtit son truc sur une trame proche des plus hauts films du genre, présentant, quoi qu'on en dise entre deux plans risibles aptes aux plus franches hilarités, une certaines débauche de séquences relativement honorables.
Le film joue la surenchère à tous les niveaux. Surenchère de dégâts (Terre dévasté en quelques jours par un piaf), surenchère expressive (acteurs plus qu'absolument pas convaincants et donc génialement drôles, mimant la terreur figée), surenchère de hideur (comprendre monstre au ridicule excessif, yeux exorbités placés sur un visage de caoutchouc moelleux au petit bonheur la chance, bec souple et flexible ondulant sous l'action des narines humant l'air et renâclant, ailes au ramage aussi sublime qu'un vieux plumeau et agiles comme un balais, l'ensemble semblant prédire les savoureux délires cartoonesques d'un Joe Dante qui par ailleurs rendra de multiples hommages à ce film par la suite), et surenchère narrative, proposant, outre sa créature de folie et ses exactions sur la planète, des explications plus qu'audacieuses.

- Le héros, dans un accès d'illumination brusque, comprend l'activité du moineau plus-badass-que-Godzilla en reliant des points au hasard sur une feuille froissée avec un marqueur, déterminant soudainement d'on ne sait où et dans le non-sens le plus total, un "patron", schéma certain des agissements de cette terreur aérienne. Succulent.
- Un scientifique aguerri, après de nombreuses recherches infructueuses et surtout désastreuses sur son matériel, en vient à la conclusion révélatrice et inquiétante que ce "cuirassé volant" vient d'une galaxie extrêmement lointaine, composée d'antimatière, arrivant à la résultante que tout armement terrien demeure inoffensif sur la gigantesque dinde, celle-ci se trouvant protégée par un bouclier d'antimatière impénétrable, nous gratifiant alors d'un cours d'une science approximative mais Ô combien plaisante sur l'atome et son fonctionnement par un ton d'obscure terreur. Exceptionnel.
Au delà de ça, les traces laissées par l'animal laisseront voguer la populace des plus sombres superstitions aux plus téméraires excès, enchaînant la folie de plein jour au moments de terreur nocturne, calfeutrée à l'abris de frêles planches de bois sous l'orage tonnant ou bravant le couvre-feu en décapotable sous les cris stridents de l'ombre venue du ciel, découvrant les empruntes du gigantesque rapace sur le sol terreux dans des séquences rappelant l'excellente BD de Peyo "Les Schtroumpfs et le Cracoucass", et qui, je tiens encore à m'en persuader, ont directement inspiré l'auteur belge pour son histoire au pays des nabots bleus.

En outre, le film, aussi court soit-il, n'est pas avare en apparitions du gros dindon, offrant une belle galerie d'images, parfois grotesques, parfois charmantes, d'une bête furieusement déchaînée, bien décidée à éradiquer toute vie nuisible sur cette Terre récemment élue nouveau domicile, dans l'idée on ne peut plus respectable de sauvegarder sa douce et tendre progéniture. Après un plan agréable de l'animal construisant son énorme nid et couvant ses oeufs, le gros poulet foutra alors comme il se doit son dantesque bordel, créant panique et éruptions de folie furieuse dans les rues, détruisant le trafic aérien et boulottant les pilotes au vol, agrippant voitures et trains entiers dans ses serres pour les emporter dans les airs en vue de son futur dîner, explosant sa rage absurde dans un final au delà de tout, où aucun obstacle, aucune construction, pas même l'Empire State Building qui se vit jadis escaladé par une autre célèbre figure du genre, ne résistera à la force du monstre, démolissant tout, et incarnant une apocalypse aussi hilarante que séduisante.

Alors oui, ce film est bien le nanar monumental que son simple résumé laisse présager. Mais c'est aussi une perle d'un autre temps qui osait l'improbable tout en respectant des codes plus que savoureux, desservant au final de la bonne série B et s'inscrivant dans une filiation culte dont les rejetons et l'héritage pullulent encore aujourd'hui. Le film de Sears n'est pas une tare à endurer, c'est un petit métrage qui offre du rire, de l'incrédulité et (surtout) un charme d'une dimension toute particulière à ces glorieuses années 50, y laissant une conclusion de haut vol au genre qui trouvera son déclin et sa définitive transformation avec la couleur et de nouvelles motivations peu de temps après, dès les débuts de la décennie suivante.
Un film aussi nul pour certains qu'il est superbement cartoonesque et empreint d'un parfum d'une saveur rare pour d'autres et que je recommande en tout cas sans la moindre hésitation, et à qui que ce soit..

Créée

le 14 août 2013

Modifiée

le 14 août 2013

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zombiraptor

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