Grandeur et décadence de la Cannon
The go go boys est un documentaire qui retrace le parcours de deux cousins, Menahem Golan et Yoram Globus, qui dans les années 80 essentiellement, ont tenté de faire émerger un nouveau grand studio à Hollywood : la Cannon.
Le film retrace leur parcours de l'Israël aux USA en faisant la part belle aux images d'archives et aux entretiens avec les deux hommes et les membres de leurs familles et proches de l'époque. Bien que le film est été commandité par la famille des deux hommes, il n'est pas uniquement à la gloire de la Cannon et la part d'ombre de cette société est également évoquée.
Aujourd'hui, la Cannon n'est plus connu que par une poignée d'aficionados du cinéma bis et / ou des passionnés de cinéma. Je ne les connaissais pour ma part que pour avoir été les producteurs ayant lancé, presque construit, Chuck Norris et ayant surtout produit à la chaine des films fauchés avec leur petite boîte.
Je les prenais pour une bande de joyeux fumistes ayant cherché à faire du fric comme ça, sans plus.
Lourde erreur ! J'ai découvert dans ce film que la Cannon, dans les années 80, a failli devenir un vrai grand studio, à l'égal des mastodontes tels que la Paramonunt, Universal ou la XXe century Fox !
Et c'est là tout le sel de ce documentaire, s'apercevoir que ce qui était à l'époque un acteur majeur et incontournable du milieu (on parlait au milieu des 80s du festival de Cannon pour Cannes quand même) est aujourd'hui dans les limbes de l'histoire du cinéma.
Car la Cannon ne s'est pas contenté de ces films d'exploitation fauchés précédemment évoqués. Elle a aussi produit des films d'auteurs au nombre desquels on trouve quand même Godard (King Lear en 1987), Polanski (Pirates en 1986), Casavetes (Love streams en 1984) ou Konchalovski (Runaway train en 1985). Et c'est là que ça devient très intéressant.
Car au final, c'est là le but ultime des deux cousins : arriver à concilier un cinéma populaire (les films de Norris, Van Hamme et Dudikoff par exemple) et un cinéma d'auteur. La cannon aspirait vraiment à devenir un des grands studios d'Hollywood.
Par contre, leur méthode de travail paraît complètement surréaliste vu avec les yeux d'aujourd'hui : contrat rédigé sur des nappes en papier, films vendus à des distributeurs avant même d'être tournés sur la seule présentation d'une affiche avec le nom du réalisateur / acteur principal... Bref, presque de l'amateurisme.
Mais en même temps, c'est ce qu'ils sont, au sens premier du terme, des amateurs de cinéma. C'est ce qui transpire tout au long du film. Chacun dans leur genre, ils ne peuvent pas se passer du cinéma. L'un parce qu'il aime faire des films, l'autre parce qu'il aime les produire. Et le secret de la Cannon, c'est ça : un dingue de films (Menahem Golan) et un génie du financement (Yoram Globus).
Tant que la doublette a tenu, la Cannon s'est maintenue. Suite à plusieurs différents et à quelques échecs commerciaux, les deux cousins se sépareront fâchés, et la société ne s'en remettra jamais.
Cet amour inconditionnel de leur boulot, il transpire littéralement au travers des entretiens, que ce soit les leurs (le film a été tourné quelques mois avant la mort de Menahem, qui apparaît donc dans le film), ceux de leurs collaborateurs (acteurs ou réalisateurs) ou de leurs familles (qui ont l'air d'avoir souffert de cet état de fait). Ils ont tout sacrifié, l'un comme l'autre, à leur rêve de cinéma.
Leur duo est tellement fusionnel, que le mot qui revient le plus souvent dans la bouche de leurs proches quand ils évoquent leur séparation, c'est : divorce. Même lorsqu'ils évoquent eux-mêmes ce moment de leur vie face caméra, cela ressemble à un vieux couple qui se reproche des choses. Fascinant.
En résumé, ce documentaire est intéressant à plus d'un titre. D'abord pour l'éclairage qu'il apporte sur une compagnie de cinéma qui a failli bouleverser le monde des studios et qui est largement ignorée aujourd'hui, mais aussi pour son côté profondément humain, quand on se penche sur les rapports entre Menahem et Yoram, et sur leur passion dévorante pour le 7ème art.