La Présentation
The Grand Budapest Hotel est le huitième film de Wes Anderson sorti en 2014, inspiré des œuvres de l'écrivain Stefan Zweig avec Ralph Fiennes, Tony Revolori, Saoirse Ronan, Adrien Brody et Willem Dafoe dans les rôles principaux.
Le film débute en 1968 et nous raconte l'histoire de M. Moustafa (F. Murray Abraham), propriétaire de l'hôtel Grand Budapest, situé dans le pays imaginaire de Zubrowka. Grâce à la visite d'un écrivain (Jude Law), M. Moustafa racontera son histoire en tant que Lobby Boy (Tony Revolori) sous la direction de M. Gustave (Ralph Fiennes), le maître d'hôtel du Grand Budapest durant l'entre-deux-guerres.
Alors que les nazis envahissent l'Europe, M. Gustave héritera d'une de ses conquêtes, un tableau d'une valeur inestimable, Garçon à la Pomme. L'héritier de celle-ci (Adrien Brody) est prêt à tout pour le récupérer aidé de son fidèle homme de main (Willem Dafoe) !
Saudade
Là où dans Moonrise Kingdom, Wes Anderson faisait un parallèle entre les livres de Suzy et le ton de l'histoire pour parler de la perte de l'innocence et la fin de l'enfance avec l'île comme symbole de cette perte.
The Grand Budapest Hotel est une mise en abyme de la création en construisant son récit, dans un récit, qui est dans un récit, lui-même dans un récit de Stefan Sweig nous faisant aller de 1985 à 1968 jusqu'en 1932.
Mais pourquoi ces périodes ?
Pour nous parler d'un temps où l'élégance qu'elle soit linguistique, gustative que vestimentaire était à son pinacle !
M. Gustave lui-même personnifie ce sentiment de nostalgie, lui qui sort tout droit des années folles ou de la Belle époque.
De ce fait, le style de Wes Anderson se marie à merveille avec son sujet par son inspiration pour des cinéastes comme Ozu, Lubitsch, le Polanski des débuts (en particulier Rosemary's Baby), etc. avec un souci de la symétrie ramenant à la ligne clair, si cher à Hergé.
Le problème est, qu'autant son style fonctionne parfaitement pour des moments de comédie, mais crée une distance pour des moments plus dramatiques, car il crée une distance avec le spectateur qui se rend compte du style d'Anderson. C'est pour cela qu'auparavant, il brisait son style pour utiliser des champ-contre-champ plus traditionnels pour des moments dramatiques ou romantiques, sauf que dans The Grand Budapest Hotel, il n'en ait rien !
Il garde son style tout du long, mais travaille du coup, sur le cadre pour les moments dramatiques, en passant en noir et blanc ou encore en concentrant le regard du spectateur en n'éclairant que le visage de l'acteur en plan serré pour qu'il puisse créer une connexion avec le spectateur (ou bien alors comme le fameux plan de Saoirse Ronan avec un effet kaléidoscope pour le coup de foudre) !
Wes Anderson crée également une connexion entre les personnages par leur position dans le cadre. Au début, Zero était tout dans le temps dans l'arrière plan, alors qu'à la fin, Zero et Mr. Gustave sont au même niveau !
La Réalisation
Anderson adapte le format de son image au format d'image conventionnel à l'époque passant d'un 16:9 en 1985, un 2:35:1 en 1968 et un 4:3 en 1932 !
Sinon, on est encore et toujours dans un style assez similaire au cinéaste japonais Yasujiro Ozu (on retrouve également une obsession pour la famille, la nostalgie, le fait que leurs films commencent comme il terminent et un cercle d'acteurs récurrents), avec le remplacement du champ contre champ par un enchainement de plans serrés donnant l'impression d'affrontements.
De plus, les plans sont symétriques avec des acteurs centrés dans le cadre à l'exception de quelques scènes qui sont soit des moments cruciaux de l'intrigue ou des moments où l'on sort de l'aspect très carré du quotidien des personnages (comme lors du moment où Suzy et Sam confessent leurs sentiments).
La réalisation de Wes Anderson utilise également les codes d'autres genres dans son film, fortement inspiré par le film Rosemary's Baby de Roman Polanski en passant de son découpage habituel à du Lubitsch au niveau de sa manière de filmer les scènes d'actions (d'ailleurs Ozu était fortement influencé par Lubitsch au début de sa carrière, du coup, la boucle est bouclé).
La direction d'acteur ressemble quant à elle, à celle d'Aki Kaurismaki, avec un jeu livide et détachée où les acteurs délivrent souvent des dialogues à forte dose d'humour noir et autres sarcasmes où les adultes agissent comme des enfants et les enfants comme des adultes.
Les Acteurs
Ralph Fiennes est incroyablement charismatique dans ce film. Il arrive à nous convaincre avec ce maître d'hôtel rêvant d'avoir vécu dans d'autres temps, tout en ayant une profonde mélancolie pour sa condition, ainsi qu'un recul concernant sa nostalgie, en reconnaissant les horreurs que l'humanité à commis lors de ses périodes rêvées ainsi qu'au moment de l'histoire, où il brise totalement son élégance et sa grâce habituel, pour se montrer plus incisif et vulgaire créant des moments de comédie fonctionnant du feu de dieu !
Tony Revolori et Saoirse Ronan sont plutôt convaincants même si on est loin selon moi, des performances de Jared Gilman et Kara Hayward, ainsi que d'autres jeunes acteurs dans l'histoire du cinéma, mais ils font le boulot.
Adrien Brody comme à son habitude est excellent dans toutes les scènes où on le voit, d'autant plus qu'il ne tourne plus dans des films aussi intéressants qu'à ses débuts ...
Willem Dafoe est toujours aussi bon en antagoniste, j'aimerais d'ailleurs le voir en Joker, juste pour voir à quel point sa folie et sa violence peuvent aller !
F. Murray Abraham et Jude Law sont tous deux convaincants en particulier F. Murray Abraham à la fin du film, où il marche sur l'eau !
Après on a pas mal d'apparitions plus ou moins courtes d'acteurs comme :
Jeff Golblum qui pète toujours autant la classe et qui fait sourire pour le temps qu'il a à l'écran.
Harvey Keitel en prisonnier particulièrement attachant par sa relation avec Ralph Fiennes.
Jason Schwartzman en concierge à la Gaston Lagaffe qui m'a fait sourire.
Bill Murray qui est là trop peu de temps pour vraiment laisser sa marque, mais qui fait plaisir à voir.
Pareil pour Owen Wilson et Tilda Swinton.
Enfin il faut féliciter nos français : Mathieu Amalric et Léa Seydoux, on les voit pas beaucoup, mais ils sont là !
La Musique
On retrouve à la B.O un autre français, Alexandre Desplat, qui après Moonrise Kingdom, va chercher son inspiration dans les musiques germaniques et classiques (en utilisant la balaika, un instrument russe, qui est un luth à manche longue, et à la caisse triangulaire, produisant un son unique) avec l'assistance du groupe suisse, Öse Schuppel, qui pratique le Yodel, que vous connaissez tous : https://youtu.be/m9oiaxqSBwU?t=50
La Conclusion
Pour conclure, The Grand Budapest Hotel est l'étendard du style de Wes Anderson dans toute sa splendeur, trouvant des astuces de mise en scène pour se sortir des problématiques de ce même style pour nous donner un grand spectacle populaire !