Il est rare que j'attribue 10/10 à un film, et en réalité, si j'avais été parfaitement rigoureuse, j'aurais attribué la note 9/10 à The Grand Budapest Hotel.
Je m'explique: lorsque je note 10/10, ce n'est pas que je pense le film parfait ; c'est que je n'y trouve aucun défaut. Pourquoi la nuance? Parce que contrairement aux autres notes, que j'estime en fonction du nombre de points bonus que j'attribue à chaque film, très subjectivement, vous en conviendrez, je ne mets 10 que proportionnellement au nombre de malus: quand il n'y en a aucun, quand je considère que le film est dépourvu de défauts, je mets 10.
Or, je pense que ce film a des défauts. Et je mets quand même 10.
Mais alors, cela n'a pas de sens, me direz-vous! Et vous auriez parfaitement raison. Mais mon impression en sortant du cinéma où j'ai eu la chance de pouvoir voir ce film sur grand écran lors d'une rediffusion, mon impression, disais-je, est-elle même insensée.
Car même si je trouve des défauts au film, même si la fin va beaucoup trop vite par rapport à l'heure précédente qui elle, prend son temps pour nous permettre de contempler la palette magnifique de la photographie wesandersonienne, même si je n'ai d'ailleurs pas compris grand chose à cette fin et que je vais devoir aller lire le synopsis entier sur Wikipédia pour capter qui est qui dans cette satanée métadiégèse excentrique, j'ai adoré The Grand Budapest Hotel. Et j'ai vraiment l'impression que, sans vouloir me la péter, mais bon on est sur Sens Critique donc en fait si, il y a désormais un avant et un après dans mon approche du cinéma.
Il y a un après le visionnage de cette 1h39 de cadrages parfaitement millimétrés, où rien ne dépasse, où chaque image est littéralement une photographie. Oui, tout ça c'est bien connu, oui tout le monde sait que Wes Anderson filme comme ça, comment ça, theremainsoftheplay, tu ne découvres ça que maintenant?? Eh bien oui. (je parle toute seule)
Il y a un après parce que oui, je ne découvre ça que maintenant ; mais quelle découverte! Souvent, quand j'ai hâte de voir un film, parce que je suis convaincue qu'il va me plaire, je suis déçue. Et là, c'est une des rares fois où j'ai vu exactement ce à quoi je m'attendais... mais en mieux.
C'est tout simplement magnifique. Qu'il est exquis de voir ces plans dans les grandes montagnes enneigées d'Europe centrale ; qu'il est grandiose de voir ces cadres de pièces rouges, roses ou jaunes, tous plus beaux les uns que les autres ; qu'il est agréable de voir Edward Norton jouer le SS - ou le ZZ - mou mais toujours aussi charismatique, qu'il est jouissif de voir un Ralph Fiennes aussi exécrable que charmant, qu'il est tendre de voir une Saoirse Ronan géniale et espiègle. Je vais vous dire, c'est même un plaisir, dans The Grand Budapest Hotel, de voir Léa Seydoux ; et ça, c'est dire à quel point je suis prête à faire des concessions pour ce film...
Bref, je comprends maintenant pourquoi Wes Anderson est un grand cinéaste, et je le comprends avec bonheur - puisqu'un bon cinéaste, c'est sans doute avant tout celui qui vous transporte par son esthétique, par son univers, quand bien même le reste n'est pas parfait. D'où le 10 ; d'où la première fois que je transgresse mon sacro-saint système de notes sur Sens Critique. Incroyable!