Comme avec tout ses films précédents, l'imagerie est extraordinaire. Sur les mêmes nuances décalées que Moonrise Kingdom, les décors et les costumes sont fascinants. Wes Anderson invente à nouveau un monde pleinement encré dans son univers Pour une fois on y trouve tout de même un rattachement à la réalité avec l'allégorie du IIIe Reich. Il laisse cependant une distance entre le récit et cette reconstitution du régime.
L'histoire se focalise sur une guerre d'héritage. On s'attend au départ à suivre le parcours du dit hôtel à travers les décennies, puis finalement du narrateur devenu propriétaire du Grand Budapest, mais en fin de compte on ne suivra précisément que cette aventure qui lui en a a donné l'acquisition. Cette simplicité, qui est l'immense force de Moonrise Kingdom, manquait à "La Famille Tenenbaum" dont ce film se rapproche dans la richesse des personnages et l'étendu du fil de l'histoire. Le scénario aurait même pu être encore plus affiné.
C'est probablement quand il fait des films "Tout publique" que Wes Anderson est le plus fort. Les deux derniers en sont l'exemple parfait. Les aventures du fantastique Mr Fox et du jeune scout Sam sont de jolis contes pour les enfants et de vrais amusements pour les plus grands. Dans sa tournure un peu plus cru, "The Grand Budapest" est moins adapté pour les jeunes enfants. Plus glaçant dans l'ambiance et dans ses images. Pareille à "La Famille Tenenbaum", c'est parfois tranchant là où ça met le doigt.
Il n'empêche que ce conflit testamentaire laisse une grande place à l'humour burlesque propre à Wes Anderson. La ribambelle de personnages est plutôt géniale et très drôle. Jusque dans les seconds rôles le casting est la hauteur de sa renommée. Willem Dafoe est terriblement amusant, Harvey Keitel presque méconnaissable, Tilda Swinton clownesque et Bill Murray malheureusement trop effacé. Saoirse Ronan et Tony Revolori sont touchants dans leur histoire d'amour de Z à A. Ralph Fiennes est néanmoins la grande illumination de "The Grand Budapest Hôtel". Drôle, efficace, surprenant et parfaitement juste !
Une fois de plus ce conte d'Anderson est également magnifiquement illustrée par sa bande son. Alexandre Desplat s'accorde parfaitement à l'univers dandy de Wes Anderson. La musique alterne très bien les moments de tension et les envolées fabuleuses.
Ce paquet rose bonbon est superbe, tenu par un très joli ruban bleu-roi. La ficelle se dénoue facilement et délicatement. Dommage qu'à l’intérieur il reste au final comme un léger vide. La boite est fournie. Mais l'emballage faisait plein de promesses. Le contenu est peut-être trop consistant. Énormément de personnages, de dates et de noms.
Le savoir faire époustouflant dégagé par Moonrise Kingdom fonctionne pareillement ici. Dans l'écriture en revanche ça aurait mérité d'être quelque peu assoupli.