Oooouhhh, c'est si beau, si fin, ciselé, doux et acidulé, c'est du Mendl's. D'ailleurs, ce n'est pas un hôtel sur l'affiche, c'est un gâteau presque. Comme ça s'ouvre tout seul avec une surprise dedans et pleins de couleurs avalées avec gourmandise. Comme ce dandy est magnifique avec son air de panache et sa coupe de vin presque sentis par nos narines, et cette pichenette mélancolique, et cette folie grinçante qui traverse l'Histoire dans un tourbillon d'improbables références, d'images fantastiquement classes, d'une malice finement distillée et de tout un tas d'autres trucs qualitatifs qui s'empilent telle une Religieuse verticale. Il y a du niveau de cinéma et Anderson est régulier, un vrai métronome, un horloger suisse. Un travail graphique extrême, subtil dégradé entre le perfectionnisme rectiligne acharné et l'innocence foisonnante et pincée, un air de contradiction, une approche aérienne et pimpante au dessus du sordide, un fond comme autant de couches de nuages. Une œuvre fraîche et charmante aussi accessible qu'élitiste qui passe toute seule avec un rythme savamment maîtrisé. Bref, une autre pièce de choix dans la filmo du réalisateur.

Malgré tout, une impression de tromperie, un peu comme les Tenenbaum. Un titre, une affiche et un début qui annoncent un hôtel omniprésent alors qu'il ne l'est pas, une présence humaine qui n'arrive pas ou difficilement, un scénario diabolique qui n'est qu'un prétexte amusant et un casting complètement fou (Saoirse Ronan est trop belle...) tellement innombrable que personne n'en sort un grand rôle.

Non franchement, Ralph Fiennes et Tony Revolori prennent toute la place. Adrien Brody en méchant, c'est foutu d'avance pris par n'importe quel bout et tous les autres sont purement accessoires, hormis peut-être Harvey Keitel. Surtout comparé aux autres films du réalisateur où chaque second rôle est si spirituellement présent. Un avocat, un policier, un tueur, une vieille et une boulangère à peine effleurés, ça sent le consensuel tout de même, un léger fumet de "Grandmaster" oserais-je dire !... Ralph Fiennes est excellent comme toujours mais je ne puis être pleinement touché par son personnage si évanescent et décousu émotionnellement, et puis c'est tellement centré sur le comique absurde et le symbolisme précieux de chaque plan, de chaque note de musique, chaque mot luxueux, chaque lettrage imprimé, chaque mouvement que ce n'est qu'un jeu.
C'est un film ludique mais sans spontanéité pour moi, sans accident, entièrement calculé, et donc je ne trouve plus ça ludique en fin de compte... Et Ralph Fiennes ne suffit pas lorsque toute émotion est si absente et que tout n'est plus que conte imaginaire, des sensations expliquées en versets jusqu'aux pensées même. Tony Revolori est génial sinon. Et puis, c'est quand même constamment mirifique.

Anderson parvient généralement à m'émouvoir malgré sa distance froide pas toujours flamboyante pour tout le monde, pour percer la mélancolie juste en dessous et révéler une belle fibre émotive. Ici, c'est magnifique, rythmé et assez drôle mais ça ne me touche pas, c'est comme regarder une maison de poupée. C'est pourtant la plus magistrale mise en scène de Wes Anderson, superbe et inventive à chaque seconde, mais elle tend légèrement vers une posture ostentatoire vidée de ses personnages. Et puis, c'est pas à se péter de rire non plus hein, tout juste une petite poufferie de temps à autre...
drélium
7
Écrit par

Créée

le 18 mars 2014

Critique lue 6.9K fois

145 j'aime

17 commentaires

drélium

Écrit par

Critique lue 6.9K fois

145
17

D'autres avis sur The Grand Budapest Hotel

The Grand Budapest Hotel
Sergent_Pepper
8

Le double fond de l’air est frais.

Lorsque Wes Anderson s’est essayé il y a quelques années à l’animation, cela semblait tout à fait légitime : avec un tel sens pictural, de la couleur et du réaménagement du réel, il ne pouvait que...

le 27 févr. 2014

233 j'aime

23

The Grand Budapest Hotel
Veather
9

Read My Mind #2 : The Grand Budapest Hotel

Ami lecteur, amie lectrice, bienvenue dans ce deuxième épisode de RMM (ouais, t'as vu, je le mets en initiales, comme si c'était évident, comme si c'était culte, alors qu'en vrai... Tout le monde...

le 8 sept. 2014

175 j'aime

51

The Grand Budapest Hotel
guyness
9

Anderson hotel

Comme tout réalisateur remarqué, Wes Anderson compte quatre catégories de spectateurs: les adorateurs transis, les ennemis irréductibles, les sympathisants bienveillants et, beaucoup plus nombreux,...

le 28 févr. 2014

157 j'aime

68

Du même critique

Edge of Tomorrow
drélium
7

Cruise of War

Personne n'y croyait mais il est cool ce film ! Dingue ! On aurait juré voir la bouse arriver à 100 bornes et voilà que c'est la bise fraîche ! Doug Liman reprend pourtant le concept de "Un jour sans...

le 23 juin 2014

202 j'aime

31

World War Z
drélium
2

Brade pire.

Misérable. Pire film de zombies. Je m'attendais à rien et j'ai eu rien. J'ai même eu plus que rien, ou plutôt moins que rien. Il n'y a rien. Les seules scènes valables sont les trois moments...

le 5 juil. 2013

180 j'aime

66

Requiem pour un massacre
drélium
10

Va et regarde la guerre

Il y a peut-être un micro poil trop de gros plans de visages pétrifiés qui mettent en évidence un fond légèrement binaire comparé à d'autres œuvres plus ambigües et analytiques. Il n'est pas question...

le 27 avr. 2011

175 j'aime

18