Balade euphorique, raffinée, sans caractère

Chouchou des professionnels de la profession, classé au sommet par le public, prisé dans les médias au point d’inspirer des torrents de pastiches bienveillants de l’oeuvre de Wes Anderson, The Grand Budapest Hotel est parfois considéré comme le climax tant attendu de sa carrière. Inspiré de l’écrivain Stephan Zweig et des comédies « d’avant la censure des années (19)30 » (Billy Wilder, Ernest Lubitsch), Wes Anderson a comme à son habitude inventé tout un univers fantaisiste, cette fois autour d’un hôtel perdant sa clientèle et sa vitalité mais rien de sa superbe.



Son vieux propriétaire, à l’occasion d’une de ses rares inspections, va raconter l’histoire de l’hôtel à un auteur de passage. Série de longs flash-back, Grand Budapest se donne comme un train-fantôme raffiné, avec Ralph Fiennes en animateur excentrique le long d’un sentier rempli de guests parfois légèrement inutiles, comme l’éternellement anémié Edward Norton (l’homme qui était partout par erreur ou pour dépanner, tout le long de sa carrière). Très clairement il s’agit d’aligner les performances et les succulentes apartés ; le ton de Wes Anderson est suffisamment vigoureux et euphorique pour y parvenir.



Mais comme toujours chez Wes Anderson (Fantastic Mr Fox, Moonrise Kingdom) se pose la question de la légitimité d’un produit à ce point dépourvu d’idéal et de fond, pour ne pas dire de sujet. En-dehors de la morale libertaire enfantine, où le monde est un océan roudoudou dans lequel des héros formidables et tellement audacieux se déchaînent malgré les quelques forces aigries traînant ça et là ; The Grand Budapest Hotel n’a aucune colonne vertébrale. L’immense travail esthétique dont il jouit suffit cependant à lui donner un caractère, mais il est regrettable que ce sanctuaire, peut-être le plus achevé conçu par Anderson, soit aussi inhabité. Néanmoins le rythme et l’enthousiasme de la balade dans ce paradis rococo font illusion.

Créée

le 18 juin 2014

Critique lue 570 fois

5 j'aime

1 commentaire

Zogarok

Écrit par

Critique lue 570 fois

5
1

D'autres avis sur The Grand Budapest Hotel

The Grand Budapest Hotel
Sergent_Pepper
8

Le double fond de l’air est frais.

Lorsque Wes Anderson s’est essayé il y a quelques années à l’animation, cela semblait tout à fait légitime : avec un tel sens pictural, de la couleur et du réaménagement du réel, il ne pouvait que...

le 27 févr. 2014

231 j'aime

23

The Grand Budapest Hotel
Veather
9

Read My Mind #2 : The Grand Budapest Hotel

Ami lecteur, amie lectrice, bienvenue dans ce deuxième épisode de RMM (ouais, t'as vu, je le mets en initiales, comme si c'était évident, comme si c'était culte, alors qu'en vrai... Tout le monde...

le 8 sept. 2014

175 j'aime

51

The Grand Budapest Hotel
guyness
9

Anderson hotel

Comme tout réalisateur remarqué, Wes Anderson compte quatre catégories de spectateurs: les adorateurs transis, les ennemis irréductibles, les sympathisants bienveillants et, beaucoup plus nombreux,...

le 28 févr. 2014

157 j'aime

68

Du même critique

La Haine
Zogarok
3

Les "bons" ploucs de banlieue

En 1995, Mathieu Kassovitz a ving-six ans, non pas seize. C'est pourtant à ce moment qu'il réalise La Haine. Il y montre la vie des banlieues, par le prisme de trois amis (un juif, un noir, un...

le 13 nov. 2013

51 j'aime

20

Kirikou et la Sorcière
Zogarok
10

Le pacificateur

C’est la métamorphose d’un nain intrépide, héros à contre-courant demandant au méchant de l’histoire pourquoi il s’obstine à camper cette position. Né par sa propre volonté et détenant déjà l’usage...

le 11 févr. 2015

48 j'aime

4

Les Visiteurs
Zogarok
9

Mysticisme folklo

L‘une des meilleures comédies françaises de tous les temps. Pas la plus légère, mais efficace et imaginative. Les Visiteurs a rassemblé près de 14 millions de spectateurs en salles en 1993,...

le 8 déc. 2014

31 j'aime

2