The Grandmother met en scène le rétablissement de l’affectif et du sensible dans un monde adulte violent et grossier : un père tout droit sorti de la future série de Lynch, Dumbland, une mère effacée, un couple parental, en somme, similaire à des bêtes primitives ; de l’autre côté, un enfant qui semble avoir vu le jour depuis une terre autre, différente de celle ayant donné naissance à ses parents. Dans ce régime exceptionnel, le jeune garçon reconstruit un lien organique avec sa famille par le biais de la figure bienveillante de sa grand-mère qu’il ramène à la vie, ne serait-ce que pour un temps limité. Car il faut pallier les pertes d’énergie, symbolisées à l’écran par un liquide orange que nous retrouvons à la fois étalé sur le lit et dans le soleil qui se lève, preuve de la renaissance de l’être au monde par le prisme de la fiction. Le métrage grouille de matières brutes, qu’il s’agisse de la terre, des racines, d’un cocon curieusement apparenté à un sexe de femme malgré la forme d’une verge d’homme. C’est dire que l’œuvre affirme la propension d’un être sensible à rebâtir un arbre généalogique à son image, écartant alors les fruits altérés, privilégiant l’hallucination à la pénible réalité (voir à ce titre la petite scène de repas). Ode aux pouvoirs de l’imagination et au droit fondamental à la différence, The Grandmother thématise déjà le héros lynchéen par excellence : un ingénu plongé dans un monde déréglé et soucieux de comprendre cette altérité mécanique, seule capable de lui révéler son caractère exceptionnel.