Phineas T. Barnum (Hugh Jackman) est un grand rêveur. Provenant de nulle part, il n’a qu’une ambition dans la vie : faire rêver les autres. C’est ainsi qu’il décide d’ouvrir un musée de cire, secondé par sa femme (Michelle Williams) et ses deux filles (Austyn Johnson et Cameron Seely). Le musée ne suffisant pas à attirer le public, Barnum décide d’aller plus loin en ouvrant un freak show. Mais la quête de gloire de Barnum finit par le rendre distant de sa famille. D'autant qu'il doit constamment se battre contre les ennemis de ce show-business naissant...
Dès l’introduction du film, on sent que quelque chose cloche. La succession des deux logos 20th Century Fox, l’ancien, fixe et accompagné de la fanfare bien connue d’Alfred Newman, étant suivi du nouveau sur fond de musique pop, illustre en effet le tiraillement constant dont sera victime 1h45 durant le film de Michael Gracey. Cherchant à se placer dans la lignée d’un cinéma classique, le réalisateur ne s’en donne pas les moyens, restant trop profondément ancré dans le XXIe siècle. La faute ne lui revient pas, mais elle est bien celle des auteurs/compositeurs Benj Pasek et Justin Paul, dont les chansons, en plus de n’avoir aucun caractère, s’avèrent en constant décalage avec l’ambiance du film, plongeant presque à chaque fois le film dans une ambiance de supermarché dont on se serait bien passé, à peine compensée par des chorégraphies virevoltantes qui vont du transparent (la scène du This is me, tout de même très oubliable) à l'ultra-inventif (ébouriffant numéro Jackman-Efron dans le bar).
Du côté de l’ambiance visuelle, en revanche, le débutant Michael Gracey nous offre un quasi sans-faute, et c’est véritablement un plaisir de voir avec quelle aisance il manie sa caméra, aidé par la somptueuse photographie de Seamus MacGarvey (directeur de la photographie ayant œuvré sur plusieurs Joe Wright ou sur la version 2014 de Godzilla), mais également par le décorateur Nathan Crowley, dont la réputation n’est plus à faire, puisqu’il est le chef décorateur attitré d’un certain Christopher Nolan. A ce niveau-là, Michael Gracey nous offre donc un travail grandiose, qui, lui, parvient sans problème à se glisser dans la continuité des grandes comédies musicales. En outre, le casting est lui aussi parfaitement valorisé, à commencer par un Hugh Jackman merveilleux de dynamisme et une Michelle Williams lumineuse. Seul regret : le rôle incroyablement anecdotique de Rebecca Ferguson, qui ne rend pas hommage à son talent (d'autant que sa chanson phare est très insipide).
Dommage que, derrière, il nous faille supporter l’inévitable avalanche de clichés ultra-prévisibles qui caractérise trop de biopics, bannissant toute émotion du film (sauf, à la rigueur, dans le sympathique final), y introduisant une morale bien trop démagogique pour être honnête. C’est ce qui fait malheureusement tourner la biographie à l’hagiographie, même si le scénario tente tant bien que mal d’illustrer quelques côtés négatifs du personnage (sa quête aveugle de gloire, son incapacité à briser les barrières sociales entre la haute société américaine et sa troupe issue de la rue), maintenant une dangereuse superficialité sur l’ensemble d’un film qui n’arrive jamais à entrer en profondeur dans ses thématiques pourtant intéressantes.
Mais si malgré ses indéniables défauts, The Greatest Showman fonctionne tout de même, c’est surtout parce que Michael Gracey– et il semble en être bien conscient – n’est rien d’autre qu’une sorte de Barnum du cinéma, et en transformant la vie de ce dernier en comédie musicale, il marche sur les pas de son modèle : l’assumant totalement, il nous vend du faux dans le seul but de nous rendre heureux. Et finalement, il faut bien le reconnaître lorsqu’on sort de ce divertissement boiteux mais grandiose et coloré, l’objectif est bel et bien atteint.