Chers éclaireurs,
Je vous aime bien, pas de doute là-dessus. Vos goûts proches des miens m'ont poussés à vous suivre, vos proses enflammées, vos mots, ceux qui traduisent votre passion semblable à la mienne, m'ont amené à vous faire confiance quand il s'agit de bourse délier à la caisse de la salle de cinéma ou de l'enseigne culturelle que je fréquente. Vous m'avez aussi fait découvrir quelques jolies choses et rien que pour cela, je ne vous remercierai jamais assez.
Alors, quand j'ai vu vos notes assez timorées fleurir sur The Greatest Showman, je me suis mis à douter. Parce que ce film, j'avais bien envie de le voir, vous savez. Vos notes ont tempéré ma curiosité, voire totalement douché mes attentes et mon désir. Au point de remettre en question la séance. Et puis non, après tout. Va pour la séance de 17H30. On verra bien...
Et j'ai vu.
J'ai vu le double logo de la Fox, l'ancien et celui d'aujourd'hui, dont on se demande à quoi tout cela rime. Mauvais point. Puis j'ai vu les toutes premières minutes qui m'ont littéralement électrisées, en forme de quasi note d'intention. The Greatest Showman sera donc traversé d'une énergie qui fait plaisir à voir, d'un enthousiasme furieusement communicatif, incarné par un Hugh Jackman solaire, dans un rôle dont on voit bien qu'il lui tient particulièrement à coeur.
Puis il y a eu cette astuce de montage, transition sur un costume vu à travers une vitrine. Tout cela n'était donc qu'un rêve. Mais un rêve fabuleux ouvrant le film sur la jeunesse de Phineas, contée à toute allure, allant à l'essentiel tout en plantant les principaux enjeux qui nourriront son Monsieur Loyal. En un clin d'oeil, The Greatest Showman évolue avec une vitesse assez sidérante. Aucun temps mort, absolument aucune occasion de s'ennuyer. La beauté plastique le dispute à des numéros musicaux tout à fait appréciables, rythmés par des chansons qui donnent immédiatement envie de se procurer la bande originale.
C'est cette énergie, cette générosité, ce sens du show qui m'ont envoutés, habitant une comédie musicale issue d'un autre temps. Oui, ce ne sera jamais La La Land à vos yeux, sans doute. Mais The Greatest Showman fait corps avec son message, donne pleinement à rêver, à s'émouvoir et à ressentir dans un scénario des plus classiques. Oui, le biopic est à l'évidence bien ripoliné, mais Hugh Jackman apporte à P.T. Barnum son enthousiasme, son charme, son charisme ainsi que sa volonté de transcender sa condition (d'acteur ?). Il s'y perd en route, cédant aux sirènes du succès, délaissant sa troupe de freaks relatifs ainsi que sa famille. Mais pour mieux rebondir dans une dernière ligne droite convenue, mais comme apaisée. Comme si les démons de celui qui s'identifiait comme un charlatan s'étaient éteints.
The Greatest Showman m'a séduit, oui. Pile dans le sujet, avec son rapport au spectacle et sa fonction de simple divertissement, son appréhension par les classes les plus hautes, dédaigneuses et hautaines, ainsi que les barrières sociales de l'époque. Peut être brasse-t-il trop de thèmes. Peut être en oublie-t-il quelques-uns un route, mais un film comme celui-ci fait plaisir à voir, tant les mots "divertissement" et "spectacle" lui vont comme un gant.
Il sera peut être un poil dommage que la caméra de Michael Gracey s'éloigne parfois trop de sa figure de proue, provoquant un léger flottement, même si celui-ci permet de voir traverser à l'écran les yeux toujours aussi superbes et profonds de Rebecca Ferguson. Ou encore la beauté de la ravissante Zendaya, occasion d'un jeu d'échos entre deux couples et les barrières contre lesquelles ils se heurtent. Qu'elles soient sociales ou raciales, elles complètent la thématique de l'isolement, dont les freaks rassemblés par Phineas constituent les éléments les plus visibles.
Chers éclaireurs, vous avez sans doute compris que le titre que vous avez lu était l'exclamation que j'ai poussé intérieurement à la sortie de la salle, tellement c'était bien, et que The Greatest Showman m'a pour le moins conquis. Comme vous comprendrez sans doute que la note que vous vous apprêtez à découvrir sera encore une fois totalement pétée de la part du masqué.
Mais je ne vous en veux pas, loin de là. Car j'ai sans doute dû, en certaines occasions, vous jouer ce genre de mauvais tours, avec mon enthousiasme totalement délirant et mes piteuses énervées bien consternantes affectant certains de vos classiques les plus chéris. J'imagine que c'est là tout le sel de Sens Critique : concilier des sensibilités aux antipodes les unes des autres sur un même matériau de base. Tous différents finalement, mais ce sont ces différences qui font certainement tout votre charme.
Sans rancune, chers amis. Bien au contraire ;-)
Behind_the_Mask, Show Must Go On.