La comédie musicale est un genre qui s'évapore petit à petit au fil des ans, qui peine souvent à se renouveler et qui surtout n'offre que très peu de pépites. L'année dernière le génial La La Land de Damien Chazelle avait quelque peu changer la donne en redorant le blason du musical mais en parvenant à lui conférer une modernité et une lucidité rafraîchissante. De quoi espérer que ce The Greatest Showman vienne s'inscrire dans cette continuité avec une intention claire de mélanger le classicisme des anciens musicals avec un écrin bien plus moderne pour toucher un vaste publique. Pari réussi ou ratage en forme de faute de goût ?
Confié à Michael Gracey, le film pourrait facilement se réduire à son introduction. Apparaissant dans la pénombre, P. T. Barnum, le personnage principal, se lance dans un show endiablé avec une musique étrangement moderne et prenante qui balaie l'ancien pour le renouveau (les logos enchaînés de la Fox) dans un jeu de lumières, de rythme et de montage assez bluffant avant que le tout ne s'arrête brusquement pour se rendre compte qu'on assistait aux rêves d'un personnage encore adolescent, avant d'enchaîner le cours de sa vie dans une ennuyante linéarité. Cette séquence contient toute la frustration que le film fera ressentir, celui d'un spectacle au potentiel évident mais qui n'arrive jamais à son terme et qui n'emmène que trop rarement son spectateur. De plus, les musiques modernes se révèlent très vite être assez limitées et mal exploitées, ce qui crée une dissonance gênante avec une narration et un style incroyablement vieillot. Jamais Gracey ne va vraiment prendre de risques dans sa manière de mettre en images des chorégraphies assez redondantes et filme l'ensemble avec une platitude affolante. Sa mise en scène manque de fantaisie et sa réalisation souffle le chaud et le froid en raison de fonds verts trop visibles et un recourt trop systématique des effets spéciaux pourtant assez ratés. Ce qui est un comble pour un ancien spécialiste en effets visuelles. Sans être foncièrement laids, le spectacle se montre terne et manque de vie. Un des exemples les plus parlants et peut-être la représentation des détracteurs du freak show qui sont toujours montrés à travers les trois ou quatre mêmes figurants ce qui est assez maigre.
Le scénario n'est pas non plus des plus folichon, il évacue beaucoup des zones d'ombres du vrai P. T. Barnum pour plonger dans un récit à la bien-pensance presque hypocrite et paresseuse dans sa façon d'évacuer ou d'alléger bon nombre des problèmes de l'époque. En ça, les "freaks" sont presque entièrement laissé de côté alors que le récit aurait gagné à les mettre au centre du show, pour une morale qui dit d'accepter les différences et de les montrer au grand jour, on a du mal à comprendre la démarche de les cacher systématiquement. S'ensuit donc une écriture prévisible et peu subtile qui aligne les situations attendus entre l'égarement du perso face à la gloire, une romance "interdite" trop vite expédiée, etc. Mais le tout garde quand même ici et là quelques bons moments, certains passages musicaux se révèlent plus inspirés que d'autres notamment ceux qui implique Hugh Jackman qui s'avère être la parfaite représentation du titre du film. Il est sans équivoque The Greatest Showman, et le film lui doit absolument tout tellement il repose entièrement sur ses épaules. Il vampirise l'écran et lui attribue une énergie communicative qui fait toute la différence. Sans jamais trop en faire, et se dévouant totalement à son rôle il en devient la parfaite représentation fantasmée de Barnum. Dommage que le reste du casting ne soit pas au niveau entre un Zac Efron émotionnellement mort, une Michelle Williams qui n'a pas grand chose à jouer et Zendaya qui rame pour essayer de bien jouer, il n'y a que peu de bonnes performances à se mettre sous la dent. Seule Rebecca Ferguson arrive à tenir tête à Jackman avec une sensibilité et une présence vraiment charismatique.
The Greatest Showman est le genre de film qui repose en grande partie sur la star qui lui donne vie. Sans Hugh Jackman, on aurait été face à un spectacle désincarné, pas forcément beau et très vite ronflant là où il arrive à lui insuffler une énergie et une humanité bienvenue. Certaines séquences musicales font leurs petits effets mais la réalisation fade de Michael Gracey peine à retransmettre le grandiose du récit. On se retrouve donc face à une histoire déjà racontée, très peu palpitante et qui n'est pas particulièrement bien mise en forme. On regarde The Greatest Showman et on se laisse facilement divertir par Hugh Jackman, mais le film sera aussitôt oublié après le générique et on n'aura que le sentiment d'un grand présentateur dans un spectacle tout juste moyen.