Jeunesse perdue
Lorsqu’on pense à la Nouvelle Vague de Hong Kong, les noms qui nous viennent en tête sont immédiatement Tsui Hark, Ann Hui ou encore Patrick Tam, mais ils sont loin d’être les seuls. D’autres...
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le 16 oct. 2024
Lorsqu’on pense à la Nouvelle Vague de Hong Kong, les noms qui nous viennent en tête sont immédiatement Tsui Hark, Ann Hui ou encore Patrick Tam, mais ils sont loin d’être les seuls. D’autres réalisateurs moins connus du grand public y ont participé à l’instar de Allen Fong, Alex Cheung ou encore Yim Ho, parfois considéré comme un visionnaire, à qui on assigne régulièrement le premier film de cette nouvelle vague, à savoir The Extras (1978). Yim Ho, après avoir travaillé à la télévision, met donc en boite The Extras avec un tout petit budget, une comédie saluée par la critique. Mais il a envie de raconter quelque chose de plus audacieux, de parler de cette jeunesse paumée et à la dérive de Hong Kong, et il le fera avec The Happenings avec un grand nihilisme, avec ces jeunes qui vont rentrer dans une spirale dont ils ne pourront sortir indemnes. Un film qui, à l’instar de L’Enfer des Armes de Tsui Hark vous scotche à l’écran et vous balance une petite bombe à la gueule, dans lequel on ressent à chaque seconde la peur du retour de Hong Kong à la Chine avec la rétrocession qui approche à grand pas. Alors si le Tsui Hark précédemment cité vous a marqué, il faut voir The Happenings.
La première partie du film représente l’insouciance de la jeunesse, une jeunesse un peu perdue, sans réel repère, mais qui profite de la vie à sa manière. Les jeunes s’amusent, boivent, vont danser, font des conneries, mais au cours d’une nuit, alors qu’ils viennent de voler une voiture pour se marrer, ils vont accidentellement tuer quelqu’un dans une station-service, attirant pour le coup les services de Police. A partir de là, leur vie va basculer. Ils vont vivre une nuit de terreur car c’est le début d’une douloureuse descente aux enfers. L’ambiance agréable et insouciante de la première partie va rapidement devenir rugueuse, lourde. Yim Ho dresse un portrait grinçant de la jeunesse en nous montrant des jeunes gens qui sont persuadés de ne jamais trouver de travail et que, de toutes façons, même s’ils en avaient un, ça ne serait même pas viable économiquement parlant pour eux. En l’absence des adultes, en qui ils n’ont de toutes façons pas réellement confiance, nos jeunes n’ont personne vers qui se tourner pour des conseils, pour être guidés. Les parents n’y peuvent rien, pas même les frères et sœurs qui ne donnent pas forcément le bon exemple. La panique va rapidement s’installer et le groupe va passer par toutes les émotions, de la recherche du rire pour essayer d’oublier un peu ce qui les a amenés là, aux excès de violence car il n’y a pour eux plus aucune autre issue, en passant même par des brouilles internes. Fuite, dilemmes, imprévus, deuil seront les maitres mots passée la première demi-heure, avec une violence ouverte qui culmine dans une séquence finale choquante, d’une très grande noirceur, lors de leur confrontation avec la Royal Hong Kong Police Force dans un bloc d’immeuble.
The Happenings aborde diverses thématiques se rapportant à la jeunesse ou à la société hongkongaise de l’époque, mais il préfère de pas les approfondir, garder un bon rythme, et se concentrer sur ses personnages et leurs mésaventures, devenant ainsi moins un brulot que par exemple L’Enfer des Armes sorti à la même période. Le film respire l’authenticité et le jeu parfois un peu amateur des acteurs, amenant un peu de naturel, renforce ce côté-là. On a du mal à s’attacher aux personnages, mais c’est sans doute volontaire, car aussi paumés qu’ils soient, il est assez difficile de pardonner leur comportement. A l’instar de ceux de L’Enfer des Armes, ces personnages reflètent le cynisme et le désespoir de ces jeunes pendant la transition économique de Hong Kong. La mise en scène de Yim Ho est assez particulière, amenant une ambiance mélancolique empreinte de surréalisme. Il y règne souvent un certain chaos, jusque dans le montage, avec des images parfois floues, avec des scènes d’action parfois confuses, mais toujours passionnantes car presque hypnotisantes. La bande son est très étrange (dans le bon sens du terme), semble sortir d’un film d’horreur à la The Thing, et vient accentuer le côté malaisant de certaines scènes. On a cette impression de « désordonné » et c’est ce qui fait son charme. C’est d’ailleurs ce qui fait le charme d’énormément de films de Hong Kong de cette époque, et ça le rend très divertissant. Une chose est sure, c’est que la mise en scène de The Happenings est très cinétique. Tourné quasi exclusivement de nuit, Yim Ho utilise parfaitement le noir profond de la nuit simplement éclairé par les lampadaires de Hong Kong d’où ressortent seulement les vêtements colorés des différents protagonistes. Yim Ho prouve qu’on peut faire beaucoup avec très peu, et le résultat est ici d’une efficacité redoutable. Certes, on pourra lui reprocher certaines longueurs, mais The Happenings est surtout un film marquant.
Sorti quelques mois avant L’Enfer des Armes de Tsui Hark et mettant en scène lui aussi cette jeunesse hongkongaise en perdition, The Happenings est une œuvre d’une efficacité redoutable du cinéma hongkongais des années 80. Un film marquant !
Critique originale avec images et anecdotes : https://www.darksidereviews.com/film-the-happenings-de-yim-ho-1980/
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le 16 oct. 2024
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